jeudi 20 décembre 2012

Des droits et mon avis

Toute cette histoire de mariage pour tous me met extrêmement mal à l'aise, depuis plusieurs mois déjà. 
Bien sûr que je suis pour, évidemment, sans concession. 
Oui-oui-oui, mais...

Pourquoi centrer les revendications sur le mariage, symbole par excellence de l’hétéro-patriarcat (et ça n'est pas la Révolution Française et l'instauration du mariage républicain qui a changé quelque chose) ?
Pourquoi a-t-il fallu attendre que certaines lesbiennes montent au créneau pour entendre d'autres revendications que l'adoption (PMA, filiation...) ?
Pourquoi j'ai l'impression de faire campagne et de militer pour des droits dont je ne bénéficierai pas ?
Pourquoi j'ai l'impression que la plupart des revendications ne concernent pas ma famille ?
Pourquoi lorsque j'explique à des hétéros (open) notre situation familiale (2 mamans, mais une seule officielle, l'autre invisible), ils tombent des nues et s'insurgent ? Pourquoi pensent-ils que le pacs ouvre des droits familiaux ?
Pourquoi j'ai l'impression que les enfants existants des familles homoparentales sont occultés dans cette revendication du mariage pour tous ?

Et ces questionnements pourraient durer assez longtemps...
Tu te doutes que j'ai déjà apporté un certain nombre de réponses.

Je ne souhaite pas me marier, ça me casse la tête rien que de penser à toutes ces convenances... si tu savais le cake que ma mère m'a pété lorsque je lui ai annoncé que si je devais me marier avec MaB pour qu'elle puisse adopter Sapinou on ne ferait pas de teuf avec la famille (je ne suis pas allée jusqu'à lui balancer que si elle voulait qu'on fasse une fête, elle avait qu'à s'engager pour l'égalité avant, et pas simplement se faire des Marches des fiertés à mes côtés), à peine un diner avec quelques amis proches ! La mariage ne me fait pas rêver, mais je ferai l'effort, car MaB, elle, oui (MaB a un côté fleur bleue qui me surprend parfois). Même si elle a complètement intériorisé cet hétéro-patriarcat... MaB vaut bien une messe (non, mais j'déconne, hein !!) un précieux anneau.
Et avec ce mariage, MaB devrait se lancer dans une procédure d'adoption simple pour être considérée comme le deuxième parent de Sapinou, au même titre que moi, sa maman biologique. Alors qu'elle a participé à la conception de son propre fils, et à son éducation, et à sa sécurité affective. Qu'elle a été celle qui a fait du peau à peau pendant les premières heures de vie de son fils, alors que je récupérais difficilement de ma césarienne. Qu'elle lui a donné son premier bain. Qu'elle est allée déclarer sa naissance à la mairie, et à qui on a refusé de la faire apparaitre comme autre chose que "tiers déclarant" sur l'acte de naissance. Qu'elle a pris ses responsabilités de maman lorsque j'ai été hospitalisée. Qu'elle est restée au chômage sans aucune autre contrepartie pour garder son fils lorsque j'ai du reprendre le chemin du travail et que nous n'avions pas de place en crèche. Qui se lève quasiment chaque nuit pour rassurer son petit ourson qui fait des cauchemars, ou qui a une petite soif. Qui a été élue représentante des parents au conseil de la crèche. Et qui, chaque jour, s'émeut de voir son fils grandir.
Donc si tu veux, l'adoption, moi, elle me reste un peu en travers de la gorge.

Et pourtant, l'égalité des droits me tient à cœur, c'est une évidence. Alors quand j'entends en lieu et place du fameux débat, un jugement sur le droit d'exister ou non des homosexuels, ça me fout la gerbe. Parce que nous existons. Nous vivons au jour le jour en contournant les non droits, en créant à chaque instant de nouveaux vides juridiques, en faisant comme si nous avions le droit, sans aucune autre garantie que notre bonne volonté et notre responsabilité. C'est d'ailleurs peut-être pour ça que bon nombre de gens pensent que nous avons déjà ces droits, puisque nous faisons comme si. Puisque nous courbons l'échine en encaissant les clichés, en les faisant briser en éclats parfois aussi. A prôner l'indifférence, on en a gommé les différences, pas les inégalités.

Mais je crois que le fond du problème (enfin le mien), c'est la main mise des hommes sur ces revendications. Pour les gays, pas de parentalité sans adoption, ou sans projet de coparentalité, ou sans gestation pour autrui. Ils ont besoin d'un utérus. Ou d'un agrément. Et en France, pour obtenir un agrément, il faut que le couple soit marié, ou être une femme célibataire. Ça n'est donc pas pour rien que ce projet de loi est celui du mariage pour tous. Mariage pour tous les gays, afin de pouvoir adopter. Médiatisation. Cristallisation. 
Ah mais oui, hé ho, les gouines veulent aussi la PMA, parce que la Belgique ou l'Espagne, ça crève un peu le budget. Va pour la PMA dans les revendications. 

Sauf que quand tu n'es ni gay, et que tu n'as pas bénéficié de PMA, ben ça fait bizarre de revendiquer mariage-adoption-PMA. De toute façon, il ne faut pas se leurrer... vu les délais d'attente actuels pour les couples hétéros, ça n'est pas en rajoutant les lesbiennes que ça changera quelque chose. Les plus presséEs continueront à aller en Belgique ou en Espagne. Juste la filiation avec les deux parents (en l’occurrence, les deux mamans en ce qui me concerne) sera effective, quelque soit la procréation choisie. Et c'est tout ce qui m'importe, que Sapinou puisse avoir les mêmes droits et devoirs que ses petits camarades, vis-à-vis de MaB. Et inversement. Le congé d'accueil d'un enfant va être élargi aux couples de lesbiennes à partir du 1er janvier prochain, dans l'indifférence la plus totale, alors que c'est quand même un grand pas dans l'avancée de l'égalité des droits. Si je voulais faire du mauvais esprit, je dirais que c'est parce que l'avancée ne touche que les lesbiennes...

J'espère juste que la prochaine étape sera l'obtention d'un livret de famille complété, éventuellement avec un Sapinoubis en plus, mais complété... un livret témoin de notre famille, avec ou sans mariage, avec ou sans adoption, avec ou sans PMA.

lundi 17 décembre 2012

Entre deux chaises

J'aurais tant à dire sur ce qu'il se passe en ce moment, mais le sujet me semble trop important pour commenter quoique ce fut (ouais, t'as vu, j'me la pète) sans prendre plus de recul, et pourtant, j'ai bien une petite idée de ce que je pourrais dire... petite idée qui fait son chemin, avant de se jeter dans la mare.

Mais voilà, j'ai le cul entre deux chaises, en tant qu'individu. Avant, je ne me posais pas trop de questions, j'étais moi, un point c'est tout. J'agissais en mon nom propre, sans me soucier de sortir et/ou de déborder des cases, sans même faire attention aux cases que la société voulait bien m'attribuer. J'étais femme, mais j'étais libre, en quelque sorte.
Et puis un jour, j'ai été enceinte.
Au delà du changement physique, je me suis pris en pleine gueule ce que j'avais occulté pendant des années... cette image de femme, enceinte qui plus est, que la société me renvoyait ne me correspondait pas... je m'étais d'ailleurs un peu étendue à ce sujet ici et .

Être femme, sans se "sentir" femme. Je ne me sens pas homme pour autant. J'aime mes attributs féminins, j'apprends à les assumer, à les utiliser, à en jouer.

Pendant les séances avec le psy spécial PMA de la maternité, j'avais évoqué ces peurs de ne pas savoir quel rôle nous allions jouer en tant que parents avec MaB... nous ne savions pas comment ils allaient se répartir. Je ne savais pas comment ça allait se passer, les trucs qu'un père fait plus ou qu'une mère fait moins, et inversement. Au final, la psy avait conclu que ma mère avait un peu joué tous les rôles parce que mon père s'était effacé, et que c'était pour ça que je n'avais pas de repères dans ma construction de future mère. J'avais tenté une approche plus "inter-genre" dans cette construction du parent, mais elle avait balayé cette piste en me disant qu'elle n'était pas là pour m'aider à assumer ce "cul-entre-deux-chaises", mais ma maternité.
Et Sapinou est né, il nous a comblé de bonheur, de plénitude. Sauf que j'ai mis plus d'un an à essayer de comprendre pourquoi j'étais si mal dans ma peau. Plus d'un an à essayer de comprendre ce grand écart entre un allaitement long et une maternité complexée. Et un an encore en plus à mettre de l'ordre dans mes idées pour réussir à pondre un billet. Sapinou a 2 ans et 4 mois dans quelques jours, et nous espérons agrandir la famille en 2013 (oui, oui, tu as bien lu, une nouvelle grossesse en perspective)(enfin on espère, quoi !).

Être mère, sans se "sentir" mère. Je ne me sens pas père pour autant. J'aime materner mon fils, je le porte (quoique, à plus de 14 kg, ça commence à peser, même dans le dos), je l'allaite, j'assume notre côté fusionnel.

Au final, j'aime mon fils, j'aime ma femme, et petit à petit, je (re)prends confiance en moi, sans me soucier de savoir dans quelle case je pourrais éventuellement rentrer, ou dans quelle case la société pourrait éventuellement me faire rentrer. Je te passe les détails sur le bordel que tout ces questionnements ont déclenché dans ma vie de couple.
Mais mon fils assumera-t-il le fait qu'on me dise bonjour monsieur sans que ça me dérange ?
Assumera-t-il que sa maman discute avec d'autres papas sans aucun complexe de genre ?
Comment lui expliquer tout ça lorsqu'il évoquera (j'ai encore un peu de marge, je te l'accorde) le sujet ?

Je suis entre deux chaises.

Et j'aimerai qu'on me reconnaisse comme tellE.