dimanche 28 décembre 2008

De la sémantique tic tic tic du gendarme

Ben quoi ? Faut bien rigoler, un peu ! Si on ne peut même plus citer du Bourvil...

Mais revenons à nos moutons.

L'autre jour, ma femme m'engueule (ben oui, ça nous arrive... on n'est pas chez les Bisounours ici !) :
- Bla bla bla... d'façon... bla bla bla... et ben... bla bla bla... si c'est ça, j'retourne chez ma mère (bon... MaB n'a pas vraiment dit ça, mais on s'en fout, c'est pas ça l'important)(oui, l'important c'est d'aimer la rose)
- Ouais, des barres...
- Rho et puis arrête avec tes barres, t'as plus 15 ans !
- ...

Tout ça pour dire que oui, parfois, à force de côtoyer des adolescents pré-pubères, on prend certaines habitudes de langage. Certains linguistes se crêpent le chignon pour savoir si le phénomène social que représente la diffusion de l'argot français contemporain est un facteur d'exclusion (Alain Bentolila) pour les jeunes de banlieues, ou s'il est un moyen de faire rayonner cette culture des quartiers (Bernard Lahire) au même titre que les textes des poètes maudits du XIXe ou que l'argot classique des dialogues de Michel Audiard.
Je ne vais pas me lancer dans un débat sans fin sur le pour et le contre de ce langage en société. Juste, je suis plutôt d'accord avec l'idée que s'approprier une langue, en définir les codes, c'est se détacher de l'illétrisme et développer une forme d'intégration. Donc, utiliser ces formes nouvelles de langage s'intègre dans un processus créatif de la langue "vivante", à l'opposé des "bourgeois" qui s'enferment dans une utilisation des mots plus que classique, codée par d'autres, et que l'on a du mal à s'approprier.
D'où l'idée de répertorier ici quelques banlieusardismes contemporains (il y a bien des gallicismes ou des anglicismes, pourquoi pas ?), quelques expressions typiques qui m'ont le plus marquée.

- Des barres: j'ai déjà donné une définition ici.
Bon.
Sans doute issue de l'expression tronquée des barres de rire (des fous rire en série), des barres a donc évolué vers un sens plus ironique.

Si tu continues comme ça, tu vas avoir une heure de colle ! Ouais, des barres !

Comprendre ici "Ouais c'est ça, mdr, cause toujours, je n'y crois pas une seule seconde".


- Ma gueule : mon pote, mon autre.
Contrairement à Johnny Hallyday, ma gueule ne correspond pas à l'anatomie du locuteur.
Cette expression s'utilise pour capter l'attention d'un camarade (ou d'un interlocuteur quelconque aussi, ce qui peut parfois créer des incompréhensions entre les deux parties...)(d'où la thèse que l'argot contemporain est un facteur d'exclusion des lettrés contre les "illettrés"...)(l'idéal étant d'être bilingue, comme ça, on peut s'adapter).

Wesh ma gueule, ça va ou bien ? On fait aller, ma gueule.

Comprendre ici "Comment vas-tu yau de poêle ? Pas mal et toi ture en zinc ?".


- Boloss : après une enquête des plus rigoureuses auprès des plus grands spécialistes du parler-vrai des quartiers, j'en suis arrivée à la définition suivante. Né du croisement entre Jackie Sardou et un Pokemon beau gosse (bogoss dans le texte) et molosse, le boloss est en général un pauvre type, intrus du système et, parait-il, moche comme un pou (oui, il cumule, le boloss).
Se décline également au féminin (une bolossE).
Synonyme : cas soc' (diminutif de cas social, indigent, parasite de la société qui profite de l'assistance publique sans aucun retour), narvalo (narvali au féminin).

Tu ne vas tout de même pas jeter cette chaise par la fenêtre, hein ? Bah nan, ch'uis pas un boloss !
Comprendre ici "Mais non, je ne suis pas neuneu !"


- Faire un 4-4-2 : un 4-4-2 est une technique fort répandue là où la surveillance n'est pas vigilante lors de regroupement de cartables ou d'affaires d'élèves en tout genre, comme, par exemple, pendant le temps de la cantine ou dans les vestiaires. Le 4-4-2, donc, à l'image d'une stratégie footballistique, se réalise en effectif réduit, et consiste à dérober tout ou partie du contenu des cartables ou des affaires sus-citées.
Alors attention, cette expression ne doit pas être assimilée à un vol banal à l'étalage. On ne peut pas dire "trop mdr, on a fait un 4-4-2 à la supérette", vous passeriez pour un vieux qui essaye de se la pêter en parlant d'jeuns.

Rhaa les boloss... ce midi, il y a eu un 4-4-2 sur les trousses.
Comprendre ici "Pendant la cantine, des trousses ont été malencontreusement dérobées par des petits malfrats".


Alors bien entendu, cette liste n'est pas exhaustive... disons que ce sont les expressions que je ne connaissais pas encore.
Oui. Car moi aussi j'ai maîtrisé, à un moment, le parler-vrai des quartiers. Sans doute pour m'opposer à l'éducation petite-bourgeoise de mes parents, qui avaient préféré me mettre dans une cité scolaire parisienne de renom plutôt que dans les établissements mal famés de banlieue.
Bon.
D'un côté, ils n'avaient pas tort, en terme de niveau scolaire. Mais côté humain, j'en ai chié.
Mes camarades étaient de vrais petits bourgeois, par principes... mes parents, c'était juste pour le côté élitiste...
Donc mes vrais potes, c'était ceux du quartier, de mon quartier, avec qui j'ai appris à jouer aux billes, à jouer à la tapette (vous savez, ce jeu qui consistait à retourner des cartes panini avec la paume... j'étais une tueuse, vu que j'ai toujours les mains moites !). Et forcément, ça parlait vrai.
Truc de ouf, d'la boulette, d'la bombe de balle, bédave, mytho, faire tiep, être keuss, se faire tèje, sa mère la pute, se faire tricard, daron/daronne, faire le auch... tout ça ne me rajeunit pas, mais j'ai utilisé ces expressions jusqu'à ce que je commence à faire des présentations orales à la fac et en classe préparatoire... forcément, la gouaille de racaille sur une nénette propre sur elle qui fait des études plutôt brillantes, ça dénote.
Donc petit à petit, j'ai désappris certaines tournures de phrases, certains tics de langage, pour éviter qu'ils ne me trahissent en public. Mais parfois, j'ai des remontées d'acide, et ça me reprend. Un peu comme l'accent lyonnais (oui, je ne te l'ai pas encore dit, mais je suis née près de Lyon, et j'ai du suivre mes parents lorsque mon père a eu une promo à Paris... j'ai lutté pour perdre ce putain d'accent pour éviter que mes petits camarades de la communale ne se foutent trop de ma gueule) lorsque je suis bourrée.
Ca reste.
Ca énerve MaB, moi, je trouve ça marrant.
Sinon, dans un autre registre, j'apprend aussi la langue française des signes avec une copine sourde du hand.
La communication, y'a que ça de vrai !

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Mon dieu ce que je suis vieille !

Kanou a dit…

Des barres !!
Oups...
Meuh non... rien à voir avec l'âge ! C'est juste une question de registre de langage, de fréquentations, de zone géographique aussi... mon petit frère de 20 ans, par exemple, n'a pas du tout le même vocabulaire !

Audrey a dit…

Hahaha, des barres!
Boloss existe aussi en verbe du premier groupe: bolosser ou se faire bolosser. Comprendre: arnaquer, mettre une banane.
Par exemple: Le raclo/la racli (même principe que narvallo/narvalli) voulait du seum, mais je l'ai bolossé(e) avec un vieux com-com de merde.
Traduction: Le garçon/la fille voulait un haschisch de qualité, mais je lui ai vendu pour le même prix un produit très mauvais.

J'adore le principe de l'argot remis au goût du jour par des mômes qui croient l'avoir inventé et l'empruntent en réalité au vieil argot parisien façon Jean Gabin (daron/daronne, l'oseille, la maille...)et à l'argot gitan (tous les mots en -ave en général bicrave, rodave, courave, diquave et les narvallo, raclo et autres) majoritairement. Même le verlan commence à dater à force, on le trouvait déjà dans les Margerin de l'époque et dans Renaud à la fin des années 70, il est possible qu'il soit plus vieux encore, j'me rends pas compte.

Je suis comme toi, je ne me lasse pas de voir les modes et tics de langage être au top de la tendance et se démoder aussi vite. Et je suis toujours curieuse d'entendre les dernières expressions en vogue dans mon quartier: chien de la casse, crari, t'as l'seum',belek, ta chatte, le ter'-ter', bien ou bien? mon gars/mon vieux/ma gueule en fin de phrase. Toute la difficulté pour moi étant de ne pas les absorber comme une éponge et les recracher en société sans le vouloir.
Ton post est frais comme on disait dans ma jeunesse, des barres de rire ma gueule!

Kanou a dit…

Ah oui... j'l'avais oublié le "c'est frais"... question de génération, je ne l'ai pas du tout utilisé !

Et oui, le verlan existe depuis bien plus longtemps que ça, puisque mon grand-père, né au début du siècle dernier, l'utilisait déjà avec ses potes, et ça n'était pas un blouson noir... lorsque ma grand-mère nous entendait discuter avec mon frère ou ma sœur, elle comprenait pas mal de "quetru", trop golri !

Bon, et si on faisait un p'tit dico à l'usage des bourgeois ?
Que veut dire ter'-ter ? ta chatte ? belek ? (quoique les 2 derniers, j'ai bien une petite idée !)

Audrey a dit…

Le ter' ter' c'est le terrain, c'est en bas, c'est le hall.

"Vas y mon vieux, ça fait dix piges que j't'attends sur le ter' ter' là, obligé d'faire belek y a les shtars qui tournent wesh!"

"C'est bon ta chatte!"

"Dis donc cher ami, ça fait un moment que tu me fais patienter dans ce hall/dehors, je suis obligé d'être vigilant car la police fait des rondes quoi."

"C'est bon ferme ta bouche."

Je réfléchis à d'autres trucs et je repasserais, c'est cool, j'aime bien ces trucs là.
Bises

Kanou a dit…

Ah... je connaissais "se mettre belek"... i.e. se mettre une misère.
Crainri, ma gueule, soir-ce, je me mets belek !