Le 9 novembre 1989, je viens d'avoir 10 ans.
J'entre enseptième CM2 et ma conscience politique s'est éveillée avec le bicentenaire de la Révolution Française fêté en grandes pompes quelques mois plus tôt.
Je me souviens de cette foule en liesse, de ces pans de mur qui tombent, de David Hasselhoff en veste clignotante chantant Looking for freedom, de Rostropovitch jouant seul avec son violoncelle devant Check Point Charlie le 11 novembre.
Je me souviens aussi de ces Allemands heureux de se retrouver enfin.
Je n'ai pas encore lu Marx ou Lénine, je ne cerne pas vraiment ce qui les oppose, le socialisme contre le libéralisme, la dictature du prolétariat contre la démocratie chrétienne. Je ne vois que des gens heureux d'en finir avec ce Mur.
Je suis naïve. J'ai le droit, c'est de mon âge.
Le 9 novembre 2009, je viens d'avoir 30 ans.
Ma conscience politique s'est affirmée et affinée.
Depuis plusieurs semaines, la télé s'en donne à cœur joie... témoignages, rétrospectives, documentaires, tout y passe. Berlin était the place to be, en 1989 comme en 2009 !
Les gens sont heureux sur les images, les familles et les amis se retrouvent. Mais la réalité est toute autre : d'une dictature socialiste, les Allemands de l'Est, les Ossis, ont pu accéder à une économie de marché, capitaliste et libérale, du plein emploi à perte, ils ont été réduits pour beaucoup au chômage en fin de droits.
C'est ça, le bonheur ? Pour qui ? Pour quoi ?
En regardant la retransmission de la cérémonie à Berlin, j'ai ce sentiment de malaise, partagée entre la satisfaction de fêter, 20 ans après, la fin d'une dictature et autre chose que je ne parviens pas à définir.
Mais pourquoi donc n'arrivais-je pas à me réjouir pleinement ?
Était-ce les relents nostalgiques d'une éducation stalinienne ?
J'ai vite écarté cette possibilité : contrairement à mes parents (je t'en ai parlé là), je suis une adepte de l'auto-gestion collective et farouchement opposée à ce qu'on appelle le centralisme démocratique.
Était-ce l'influence de mon idéal inconscient de régime socialiste ?
Certainement, mais mon malaise ne venait pas de là : un régime socialiste, oui, pourquoi pas, mais sûrement pas une dictature de laquelle on ne peut pas sortir.
Était-ce la présence des dirigeants occidentaux, représentants du partage de l'Allemagne et de Berlin à la Libération, dont Medvedev et Sarkozy, connus pour être de grands démocrates ?
Les images parlent d'elles-mêmes : lorsqu'on veut se la pêter et sortir deux pauvres phrases dans la langue de Goethe, on se paye un bon traducteur, ou alors on écrit plus gros sur ses anti-sèches. Des jeunes (gauchistes ? droitistes ?) l'ont sifflé, ils ont ensuite applaudi Gorbatchev. Pour son ouverture au libéralisme ? Pour avoir été le dernier dirigeant d'une dictature moribonde ? Autant te dire que j'ai trouvé le spectacle pathétique.
Après plusieurs jours de réflexion, j'ai enfin mis le doigt sur les raisons de mon malaise.
La télévision a refait l'Histoire. A aucun moment ou presque, il n'a été question du peuple des Allemands de l'Est qui s'est soulevé contre le régime totalitaire d'Honecker, lui-même piloté par Moscou.
Tout était centré sur l'Ouest qui avait libéré ces opprimés, l'Ouest qui avait mis fin à la Guerre Froide, l'Ouest qui avait fait tomber l'URSS... L'Ouest n'a rien fait de tout cela : ce sont les peuples des démocraties socialistes du bloc de l'Est qui ont décidé de disposer d'eux-mêmes (tu sais, les fameux 14 points de Wilson en 1918). L'Ouest et son régime libéral se sont imposés là où tout était à reconstruire.
D'une dictature, l'autre. En France, il n'y a qu'à voir la réforme des collectivités locales, avec de moins en moins de pouvoir décisionnaire des citoyens.
D'un espionnage, l'autre. De la Stasi en RDA, nous sommes passés à l'oeil de Big Brother par le biais de la vidéosurveillance.
D'un fichage, l'autre. L'Europe est en train d'aligner ses politiques de gestion de lapseudodélinquance, avec par exemple le fichier Base Elèves, qui fiche tous les élèves de France et de Navarre pendant 35 ans, avec des possibilités d'inter-connections avec d'autres fichiers numériques, comme ceux de la police ou du ministère de l'immigration (plus d'infos là, totalement partiales, bien sûr).
L'occident n'a rien inventé : pour tenir un peuple, il faut l'opprimer, et ça n'est pas près de s'arranger, avec les réformes en cours et à venir, ça va être la grosse marade.
Sauf si nous décidons de disposer de nous mêmes.
J'entre en
Je me souviens de cette foule en liesse, de ces pans de mur qui tombent, de David Hasselhoff en veste clignotante chantant Looking for freedom, de Rostropovitch jouant seul avec son violoncelle devant Check Point Charlie le 11 novembre.
Je me souviens aussi de ces Allemands heureux de se retrouver enfin.
Je n'ai pas encore lu Marx ou Lénine, je ne cerne pas vraiment ce qui les oppose, le socialisme contre le libéralisme, la dictature du prolétariat contre la démocratie chrétienne. Je ne vois que des gens heureux d'en finir avec ce Mur.
Je suis naïve. J'ai le droit, c'est de mon âge.
Le 9 novembre 2009, je viens d'avoir 30 ans.
Ma conscience politique s'est affirmée et affinée.
Depuis plusieurs semaines, la télé s'en donne à cœur joie... témoignages, rétrospectives, documentaires, tout y passe. Berlin était the place to be, en 1989 comme en 2009 !
Les gens sont heureux sur les images, les familles et les amis se retrouvent. Mais la réalité est toute autre : d'une dictature socialiste, les Allemands de l'Est, les Ossis, ont pu accéder à une économie de marché, capitaliste et libérale, du plein emploi à perte, ils ont été réduits pour beaucoup au chômage en fin de droits.
C'est ça, le bonheur ? Pour qui ? Pour quoi ?
En regardant la retransmission de la cérémonie à Berlin, j'ai ce sentiment de malaise, partagée entre la satisfaction de fêter, 20 ans après, la fin d'une dictature et autre chose que je ne parviens pas à définir.
Mais pourquoi donc n'arrivais-je pas à me réjouir pleinement ?
Était-ce les relents nostalgiques d'une éducation stalinienne ?
J'ai vite écarté cette possibilité : contrairement à mes parents (je t'en ai parlé là), je suis une adepte de l'auto-gestion collective et farouchement opposée à ce qu'on appelle le centralisme démocratique.
Était-ce l'influence de mon idéal inconscient de régime socialiste ?
Certainement, mais mon malaise ne venait pas de là : un régime socialiste, oui, pourquoi pas, mais sûrement pas une dictature de laquelle on ne peut pas sortir.
Était-ce la présence des dirigeants occidentaux, représentants du partage de l'Allemagne et de Berlin à la Libération, dont Medvedev et Sarkozy, connus pour être de grands démocrates ?
Les images parlent d'elles-mêmes : lorsqu'on veut se la pêter et sortir deux pauvres phrases dans la langue de Goethe, on se paye un bon traducteur, ou alors on écrit plus gros sur ses anti-sèches. Des jeunes (gauchistes ? droitistes ?) l'ont sifflé, ils ont ensuite applaudi Gorbatchev. Pour son ouverture au libéralisme ? Pour avoir été le dernier dirigeant d'une dictature moribonde ? Autant te dire que j'ai trouvé le spectacle pathétique.
Après plusieurs jours de réflexion, j'ai enfin mis le doigt sur les raisons de mon malaise.
La télévision a refait l'Histoire. A aucun moment ou presque, il n'a été question du peuple des Allemands de l'Est qui s'est soulevé contre le régime totalitaire d'Honecker, lui-même piloté par Moscou.
Tout était centré sur l'Ouest qui avait libéré ces opprimés, l'Ouest qui avait mis fin à la Guerre Froide, l'Ouest qui avait fait tomber l'URSS... L'Ouest n'a rien fait de tout cela : ce sont les peuples des démocraties socialistes du bloc de l'Est qui ont décidé de disposer d'eux-mêmes (tu sais, les fameux 14 points de Wilson en 1918). L'Ouest et son régime libéral se sont imposés là où tout était à reconstruire.
D'une dictature, l'autre. En France, il n'y a qu'à voir la réforme des collectivités locales, avec de moins en moins de pouvoir décisionnaire des citoyens.
D'un espionnage, l'autre. De la Stasi en RDA, nous sommes passés à l'oeil de Big Brother par le biais de la vidéosurveillance.
D'un fichage, l'autre. L'Europe est en train d'aligner ses politiques de gestion de la
L'occident n'a rien inventé : pour tenir un peuple, il faut l'opprimer, et ça n'est pas près de s'arranger, avec les réformes en cours et à venir, ça va être la grosse marade.
Sauf si nous décidons de disposer de nous mêmes.
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