mardi 14 octobre 2008

Septième semaine

Ouais, déjà... le temps passe vite, hein ?
Apparemment, pas encore assez vite, vu que les vacances ne sont "que" dans 10 jours. Et je peux vous dire que tout le monde les sent passer ces semaines, profs comme élèves, CPE's comme surveillants. Espérons que la huitième semaine ne soit pas celle de trop !

Bon, moi j'ai un avantage sur pas mal de mes collègues : je suis grande et j'ai une voix qui porte, ce qui me confère une autorité naturelle auprès de cette bande de p'tits saloupiauds ces chers bambins... du coup, lorsque je gueule, ils se taisent à peu près, et une fois que j'ai réussi à négocier le calme, on peut parler, et donc leur faire entendre un peu raison. J'suis une pionne troooop coool, moi. Même que les élèves ils me demandent pour que je tienne la salle d'étude...
- Ki cé ki fé la perm' ? Cé toi ki fé la perm' Madame ?
- Nan, c'est pas moi... j'suis de bureau...
- Rooo allez, steuplé, fais la perm'... elle est méchante, l'aut' surveillante...
- Ah ? Elle est méchante ? Et moi, je suis quoi ? Trop gentille ? Trop bonne, trop conne, hein ? C'est ça ?
- Mais nannn, c'est pas ça, toi, t'es trop coool, on peut dessiner.
- Bon. Je vais voir. Mais si c'est moi, je ne veux pas entendre un bruit.
- Ouiiiii, on te jure qu'on va pas parler.
- Ok. Si vous faites trop de bruit, je colle tout le monde, c'est compris ?
- Ouiiiiiii Maaaaaadaaaaaame !!!!
- ...

Résultat, ils m'ont foutu une paix royale, et à toute la vie scolaire par la même occasion.
Accalmie qui fut de courte durée, puisqu'au bout de 20 min de cours, a commencé notre lot quotidien, j'ai nommé les exclus. Retard, discipline, bavardages, manque de matériel, refus de travailler, tout est bon dans le cochon prétexte à exclure les élèves perturbateurs, élèves que les profs n'arrivent pas à canaliser.

Bref, je ne vais pas te raconter encore et encore comment se déroule une journée de pionne.
Je vais te parler de ma Principale. Ben oui, y'a du nouveau... enfin du nouveau... à toi de voir.

Donc, depuis plusieurs semaines déjà, je suis sur le coup. Je glane ici et là de subtiles informations, au gré des conversations conviviales avec le personnel du collège.

Dans la salle des profs
C'est un haut lieu de la socialisation dans un collège... Et autour d'un café/thé/chocolat/makrout/clope (c'est selon la circonstance), certains se laissent parfois aller à quelques confidences, sur eux, sur Elle, sur la vie.
Ça ne fait que sept semaines, mais j'ai déjà bien compris que les relations entre la Principale et la salle des profs n'étaient pas au beau fixe. J'ai eu vent d'une sombre histoire de plainte pour harcèlement moral d'une prof dépressive contre ses collègues (d'après ma source, vous savez, Madame Pingouin... (oui... j'ai finalement opté pour une cessation directe des hostilités, car il y a pire qu'elle, donc à quoi bon se mettre à dos la moitié de la salle des profs, hein ?)(et puis surtout, elle est pas si conne, en fait, professionnellement parlant. Le reste, je m'en tape), c'est une caractéristique typique de la dépression du prof de ZEP, le sentiment de persécution) qui aurait attéri sur le bureau de la Principale, et que cette dernière aurait envoyé directement à l'Inspection Académique (là où crèchent les grands boss de l'Education Nationale) sans même vérifier les dires de la plaignante auprès des profs concernés. Il y aurait eu une enquête des inspecteurs, une remontée jusqu'au rectorat, des audiences, une confrontation... mais je n'ai pas eu encore la version de la Principale.

Et puis Elle semble un peu tyrannique, dans le sens où Elle leur donne pas mal de directives pour faire tourner l'équipe éducative (qui d'ailleurs, ne sont pas si mal, tout compte fait...), et ces dernières ne sont pas en adéquation avec les mots d'ordre des syndicats enseignants, en particulier celui majoritaire. Ce qui, forcément, fait grincer des dents.

Bref, c'est dans la salle des profs que les commérages se font les plus vifs, mais pour l'instant, pas une petite vanne sur sa vie privée, pas une petite remarque homophobe camouflée, rien. En même temps, les conversations ne tournent pas encore autour des merveilleux bambins des profs femelles ou des passions secrètes pour le modélisme ou le bricolage des profs mâles... les élèves, les plaintes (comme si ils venaient de se taper les 3x8 à l'usine... si j'vous jure, c'est flippant), la pluie, le beau temps, du système tout pourri... mais pour la langue du pute, c'est seulement en petit comité. Donc c'est un peu limité. Cela dit, je n'ai pas encore testé la cantine des profs (enfin la salle réservée aux profs dans la cantine), elle me fait peur, cette salle... je ne sais pas ce qu'il s'y passe. Je préfère bouffer avec les élèves, et les quelques profs qui osent se mettre au niveau de leur élèves. Question de respect de la collectivité.

Dans le bureau de mon CPE référent
Tous les 15 jours, les surveillants se retrouvent en petit comité auprès de leur CPE référent pour faire un debriefing, mais aussi des propositions concrètes pour la bonne marche du collège.
Mon CPE référent, c'est Mister B.
Un grand black d'1m90, une carrure de déménageur, et un fort accent africain, avec les maximes qui vont avec. Le feeling est bon, le courant passe.
Donc : confidences, partage de points de vue, de critiques, de constats d'impuissance face au système. Il se peut que la source soit bonne, mais elle n'a pour l'instant rien donné pour la question brûlante qui nous concerne.
Juste que notre dernière réunion s'est soldée par une petite note aux profs sur le fonctionnement du mouvement des élèves (histoire d'éviter de voir des tas de gamins qui se promènent dans les couloirs en nous montant des bateaux gros comme des cargos, qui d'aller à l'infirmerie, qui d'aller pisser, qui d'aller chercher le cahier de texte, qui de sécher...), qui a été fort appréciée par la direction, par Elle, donc.

Dans le bureau de la Vie Scolaire
Vu que je suis une surveillante de choc, je suis plus souvent sur le "terrain" que dans le bureau... je préfère me balader dans les couloirs (prétextant une surveillance pour éviter les retards trop importants qui remplissent la salle d'étude inutilement, et donc dérangent les surveillants dans leur tâche administrative...)( z'avez vu ? Pas mal, non ?), ou tenir la salle d'étude, ou la salle des exclus, plutôt que de faire les appels aux familles (qui accessoirement nous engueulent parce qu'on les appelle trop tôt pour leur dire que leur gamin n'était pas au collège à 8h) ou la saisie des absences dans le logiciel.
J'ai donc eu du mal à récolter quelques indices. A part des points de vue professionnels, rien d'intéressant, quoi !


Ouais, l'enquête stagne un peu quand on bosse. Je vous entends d'ici : "Mais alors, elle est lesbienne ou paaaaas ?".
J'ai donc pris les choses en main (enfin, si je puis dire...), et pas plus tard que ce midi, j'ai sauté sur l'occasion : alors que je mangeais seule, au milieu du réfectoire, Elle s'est approché de moi, avec son petit plateau.
- Puis-je partager votre repas ?
- ... oh, et bien oui, volontiers, avec plaisir ! (en vrai, je me suis dit que lorsque j'allais raconter ça à MaB, elle en boufferait son Blackberry... et j'ai commencé à parler très vite et à suer dans le dos)
- Ça nous donnera l'occasion de faire le point sur vos missions en court !
- ...
Je lui ai donc exposé point par point l'état de mes différentes missions. En même temps, j'étais tellement stressée (oui... je fais ma maligne, là, devant vous, mais je n'en mène pas large devant Elle... elle m'intimide un peu), que je crois bien qu'elle n'en a pas placé une... hem... radio-Kanou, mode On Air. J'ai juste appris qu'elle avait un fils... reste à savoir maintenant "avec qui"... 'fin j'me comprends.

Ça c'est pour la praïvète laïfe.
Pour les signes extérieurs, c'est une petit bout de femme énergique, Elle a les ongles courts, ne porte pas de talons hauts, fume des roulées, à une voix de baryton, et surtout, a un "look" de vieille lesbienne. C'est pas moi qui le dit, c'est MaB qui, lorsqu'elle a scrupuleusement épluché ma photo d'équipe, a comparé le look de ma Principale avec celui d'Elula Perrin. Elle a fait de la géographie "dans son jeune temps" (comme elle m'a dit), comme moi. Elle a un goût prononcé pour l'organisation stalinienne, comme moi. Et surtout, elle rigole toujours à mes blagues... non pas que je me trouve hyper drôle, hein... mais moi je dis, ça cache des trucs, tout ça !

Voilà... ça n'est toujours pas hyper probant comme enquête.
Donc, ce que j'attends de toi, lectorat chéri, c'est que tu me donnes des idées pour détecter DISCRETEMENT (oui, bon, parce que je m'en fous un peu de savoir ou non, en fait, tu as bien compris !) des "signes" chez Elle. J'ai bien pensé me ramener avec un bouquin lesbien au titre non évocateur pour les béotiens mais à l'auteur connu dans le "milieu", ce qui pourrait Lui faire savoir que je "sais". Reste à savoir lequel... parce que bon, Moussons de femmes, c'est grillé, De l'amour lesbien aussi.

Parce que je suis bien d'accord, ça commence à bien faire tout ce suspens, là !!

11 commentaires:

Greenouille a dit…

Ouaiiiis !!! Bravo Kanou !!! On n'en sait pas beaucoup plus sur "Elle" mais au moins, on sent que t'y travailles à cette enquête, et ça, ça fait plaisir !
Bon, personnellement, je peux suivre tout ça avec la plus grande assiduité mais par contre, je ne suis pas certaine que mon expérienece en terme de "détection de lesbienne" te soit d'une très grande utilité étant donné que je suis plutôt novice en la matière...
Donc..amies lectrices, Kanou a besoin de vous !!!

Audrey a dit…

Ramène toi avec un bouquin d'Hélène de Montferrand, genre Les amis d'Héloise, ou un Sarah Waters, il doit bien y en avoir un dont la couverture ne comporte pas d'image de femmes à deux doigts de se manger...Parle lui de handball huhuhu. Détourne tes phrases en évitant les pronoms féminins pour lui parler de ton "amie", genre "ah oui le dernier Bacri/Jaoui, on y est allées avec mon "amie"/ma moitié le week-end dernier". Juste pour voir si elle a le même réflexe concernant son éventuelle "amie"...J'en sais rien, insurge toi contre un événement hompohobe inventé de toutes pièces dont tu aurais été témoin dans le bus... Je commence à sécher là, mais y aura peut-être d'autres idées qui viendront ensuite. C'est que du coup je veux savoir aussi moi maintenant, c'est malin!
Bises

H a dit…

Excellent Audrey!!!
Rien à voir, mais je suis allée voir "Entre les murs". Un film très pédagogique pour les non-educ nat comme moi, qui m'a donné un petit aperçu de votre calvaire. Très instructif.
Pour ton pb, Kanou, en fin de parcours t'as la solution comedia del'arte. C'est à dire que si un autre moment d'intimité se présente, jouer la nana qui a des gros pbs sentimentaux sur le coeur, et fatalement, elle te parlera des siens.

ZeStE a dit…

Moi, j'pense pareil qu'Audrey: faut un événement fort rapport à l'homosexualité, contre lequel tu t'insurgerais (histoire de montrer que tu es du clan des non-homophobes), et voir sa réaction... he he, elle va tomber en plein dedans!!
Enfin, de toutes façon, moi j'fais confiance au gaydar de MaB, pas besoin de vérification...
Quand j'étais pionne, j'étais un peu une "planquée": j'aimais bien rentrer les absents dans l'ordinateur, hi hi... et comme ma cpe m'aimait bien, c'est moi qui avait le droit de rester là au chaud pendant que les autres se tapaient la grille. Ouais, c'est dégueulasse, je sais... mais l'aprèm, j'assurais quand même les perms (et c'était chouette avec certaines classes, un peu moins avec d'autres...). La vie n'était pas toujours facile, non plus...

Kanou a dit…

Greenouille --> merci pour les encouragements !

Audrey --> Hélène de Montferrand... bonne idée, d'autant que je n'ai encore rien lu d'elle. En revanche, Sarah Waters, je ne pourrais pas... trop victorien pour moi comme style !
Cela dit, je rappelle qu'elle a autour de la soixantaine... dans son jeune temps, ça devait être encore du handball à 11, Mouhahahaha !

H --> je ne considère pas le travail en ZEP comme un calvaire, bien au contraire, même si parfois, c'est dur !
Et puis c'est pas moi, la comédienne dans l'histoire, c'est MaB, pas moi !!

Zeste --> donc, puisque vous me suggérez cette judicieuse idée, Audrey et toi, je vais être à l'affut de toute provocation homophobe, et faire remonter l'affaire sur son bureau... histoire de voir sa réaction. Mais bon... on peut être hétéro, et être contre toute forme de discrimination... ça ne fera qu'un indice supplémentaire à mettre dans la balance !

Anonyme a dit…

je réagis juste sur un petit truc :
"les exclus que les profs n'aarivent pas à canaliser"...
Peut - être juste qu'ils ont autre chose à faire que d'essayer de les canaliser... Des choses comme un programme, des cours, de l'aide à des élèves qui le demandent et qui en ont besoin...
PArce qu'en fait, les profs sont pas là que pour faire respecter le calme et le silence... Ils sont aussi là pour faire travailler les élèves... Et sur un thème que les chères têtes blondes n'ont même pas choisi...
Et là, c'est autre chose...

Kanou a dit…

Sam --> oui, bon, en fait je pensais à 2-3 profs en particulier qui ont un sérieux problème d'autorité avec leurs élèves, et qui ne sont pas vraiment apprécié, ni par les élèves (même les gentils), ni par les collègues, ni par la vie scolaire... sur tous les plans, humains et professionnels. Et je dois dire que même moi, qui était une gentille petite élève un peu bavarde, j'aurais retourné son cours...
Pour le reste, chuis d'accord !

Anonyme a dit…

Moi, quand je lis une prose comme celle la, je suis bien content ! J'explique ...
Par un beau jour au soleil, j'avais demandé à une assemblée (limitée mais de qualité) de lesbiennes comment on reconnaissait une lesbienne, bin oui, je precise que je suis un homme, et que je suis hétéro...
J'ai eu tout un tas d'informations les plus precises les unes que les autres, mais qui ne m'ont jamais permis de me dire in peto "cette fille est une lesbienne" (sauf pour la fille que j'ai vu lundi en train de manger la bouche de sa voisine à la terrasse d'un café rue des Archives mais là, c'est un peu facile).
J'en conclu donc qu'il n'y a PAS de moyen simple de detecter une lesbienne à coup sûr.
Merci Kanou !

Kanou a dit…

Mon bon Dan --> non, il n'y a pas de moyen sûr pour détecter une lesbienne... mais certaines développent une sorte de sixième sens qu'il est impossible d'expliquer... c'est du ressenti. Bon, il se trouve que je n'ai pas ce sixième sens, et que c'est peut-être pour cela que j'ai mis si longtemps à me trouver...
J'ai un certain nombre de points communs avec des mecs hétéros... certaines diront que, pour ça, j'en suis... va savoir pourquoi !

Anonyme a dit…

Ah! Dan et Kanou vous vous fréquentez, je comprends mieux maintenant!!

Kanou a dit…

Anonyme --> re-enchantée, à qui ai-je re l'honneur ?

Pour la satisfaction de ta curiosité, Dan et moi ne nous "fréquentons" pas spécialement, seulement au travers de certaines interventions bloguesques. Nous ne nous sommes rencontrés qu'une fois "en vrai", lors de l'inauguration de la Communauté de l'Ane-O, au mois de juin dernier.

A ton tour de satisfaire la mienne, de curiosité : que comprends-tu donc maintenant ?