mercredi 24 décembre 2008

En direct live de la vie scolaire

Pour un quatre-vingt dix-neuvième message, et surtout depuis le temps, je vais tâcher de t'entretenir de choses plutôt positives (rapport à la magie de Noël, tout ça).
Bon...
Je ne vais donc pas m'étendre sur la crise d'angoisse qui m'enveloppe un peu plus chaque jour à l'approche du réveillon en "famille", à un tel point qu'elle m'a balancée hors du lit à des heures indues ce matin... mes grands-mères me manquent, ça va presque faire un an, et mon père ne sera pas là non plus, puisqu'il reste auprès de sa copine compagne qui a quelques petits soucis de santé.
Bref.
Noël en famille "nucléaire"... ma mère reçoit ses trois enfants et leurs moitiés respectives. J'espère que ça ne va pas partir en vrille, que ma mère ne va pas partir en vrille... l'avantage, c'est qu'on a une solution de repli avec MaB : on habite à 20 minutes en voiture de chez elle !


Depuis deux semaines, l'ambiance folle de Noël a fait donc des petits... non, ne pars pas, je ne vais pas te remettre en fin de message des petits extraits des fabulettes qui vont te trotter dans la tête pendant des jours !
Je t'explique.
Au départ, je voulais te présenter l'équipe type de la vie scolaire... les pions surveillants assistants d'éducation types...

- l'ancienne, qui est là depuis 4 ans, qui connait les ficelles du collège comme sa poche, et lorsqu'elle fronce un sourcil, les élèves se rangent quasi au garde à vous... il faut dire qu'elle est ancienne gardien de la paix... elle en impose naturellement.

- la non moins ancienne, mais moins autoritaire, qui maîtrise tout autant les techniques pédagogiques que l'ancienne règne en maître sur la discipline, et qui ne s'en laisse pas raconter par les élèves.

- la nouvelle qui a déjà enseigné, mais pas en France, et qui n'a pas pu trouver mieux que pionne faute de nationalité française... souvent effacée, elle n'en maîtrise pas moins son domaine.

- la petite jeune pêchue, à peine le bac en poche, qui préfère bosser plutôt que de ne rien faire. Son organe vocal est proportionnel à ses qualités orthographiques et syntaxiques, elle a grandi dans la cité qui entoure le collège : elle connait tous les grands frères et soeurs, voir les parents, des gamins, et ça, ça n'a pas de prix, surtout si tu te ballades un soir de pleine lune dans un quartier où tu n'es pas sensée être, ou si tu gares ta bagnole devant le collège (si tu fais ça, j'espère que tu as une bonne assurance... les enfants aiment bien les feux de joie dans le quartier).

- la no-life, nouvelle future prof (ne me demande pas, mais oui, il n'y a que de filles ou presque...), qui prépare ses concours à l'IUFM et qui bosse à mi-temps (tu auras compris qu'il ne s'agit pas de moi !). Elle fait ses fiches pendant les perms, mange seule dans le bureau en relisant ses fiches, puis me les file lorsqu'elle sont terminées, en échange de quoi, je lui donne un coup de main en sciences (niveau primaire, je gère). La grande classe, non ?

- l'animateur sportif (ah oui, tiens, un garçon !) qui se reconvertit en surveillant. Il se fait vouvoyer par les élèves (oui, normalement, tout le monde doit le faire, mais en pratique, il est le seul à tenir la distance du vous... moi j'ai lâché l'affaire depuis novembre... il n'y a guère que les sixième pour encore le faire, et encore !), il ne crie jamais, mais file des heures de colle à la pelle... il s'en fout, vu qu'il bosse à mi-temps, ça n'est pas lui qui surveille ses collés.

- l'étudiant en STAPS (rhoo ben encore un garçon !) qui bosse aussi sur un autre collège, et qui du coup, lui fait dire qu'il a de l'expérience et se permet de faire de grandes leçons de morale. Bon. Il n'est là que 17h, on ne va pas s'arrêter à ça. Il est efficace dans la gestion des élèves, malgré un certain prosélitisme religieux (c'est un barbu, qui fait sa prière cinq fois par jour, qui quitte le collège à 12h30 le vendredi pour aller à la Mosquée, qui lit le Coran lorsqu'il a du temps libre au bureau, et qui est allé se plaindre à la direction que les filles lui imposaient un contact physique alors qu'on lui serrait juste la main, pour dire bonjour... même pas on avait tapé la bise. Ca me choque, mais je ne vais pas me prendre la tête avec ce genre de personne, ça ne servirait à rien, à part me faire passer pour une anti-islam).

- et puis il y a le "poste zéro" : deux surveillants à mi-temps entrent dans cette catégorie, un garçon (oui, tu as bien compté, il y a trois garçons dans l'équipe), même profil que la petite jeune pêchue mais sans la pêche et l'envie, et une fille, dont le recrutement me semble plutôt louche étant donné qu'elle ne capte rien au fonctionnement de la vie scolaire et qu'elle s'empresse de balancer quiconque qui dit du mal d'un des trois CPE (oui, plus synthétiquement, c'est une taupe... qui, par exemple, rattrape ses heures d'absence en envoyant des textos ou en surfant sur le net le cul vissé dans la salle des profs alors qu'on s'escrime à faire tourner le bureau de manière pas trop bordélique). Autant te dire qu'on ne les porte pas dans notre coeur, et que même avec le plus grand des efforts, ils ont du mal à s'intégrer... en même temps, ils le cherchent un peu.

Où je me place dans tout ça ?
Disons que je suis une ancienne dans le métier, mais nouvelle dans le collège, que j'ai déjà enseigné, que j'ai une certaine maîtrise de la pédagogie et de la discipline, que je fais de l'animation par le sport et que je prépare un concours.
Oui. Vas-y, dis-le.
Je suis la pionne parfaite (ben quoi, si on ne peut plus se brosser soi-même une veille de Noël, où va-t-on, hein ?). Tellement parfaite qu'avec l'Ancienne et la Petite jeune pêchue, nous avons été chargées par la Principale de mettre en place les épreuves du brevet blanc. Photocopies des sujets, étiquettes sur les tables, distribution des copies et des feuilles de brouillon, installation des salles, et même surveillance des certaines épreuves (au même titre que les profs... j'ai même eu droit de faire la dictée !). Alors que les autres, non. Nada. Ils sont restés dans le couloir de la vie scolaire, à surveiller leurs perms et leurs exclus, tandis que nous, on surveillait le brevet blanc, au chaud, pendant 2 ou 3h, assises, au calme, avec des ravitaillements réguliers de thé fumant... tout ça pour le même prix.
On a eu un peu du mal à passer les portes la semaine d'après, vu qu'en plus on a été félicitées de cette organisation d'une main de maître... on a grave géré, et heureusement, car ce n'est sûrement pas l'adjointe qui aurait pu mieux faire (c'est elle qui nous posaient les questions pour savoir comment on faisait... trop la loose pour elle). Et ça, ça n'a pas plu à un CPE.

Je vais même lui faire un paragraphe pour lui tout seul, tellement il est fort dans son genre. Je te rappelle vite fait qu'il y a trois CPE dans ce collège (oui, c'est une anomalie, il y a un poste de trop que le rectorat va s'empresser de supprimer l'an prochain, rassure-toi, les deniers du contribuable ne seront plus utilisés de folle manière). Il y a Mister B, mon CPE référent, et Madame A, CPE des troisièmes et présidente du Foyer Socio-Educatif du collège.
Le troisième est un planqué, Seigneur de la Loose, Roi de la baltringue. Il a peur des élèves, et harcèle la vie scolaire (le téléphone sonne plus de 30 fois par jour... parfois on oublie de bien le racrocher pour avoir la paix...hem) pour qu'on lui fasse ses photocopies ou tout simplement son boulot. Ca n'a donc pas du trop lui plaire qu'on sorte de sa petite juridiction, et surtout qu'on soit considérées comme des nanas "qui gèrent", alors que lui est considéré comme un incompétent (même les élèves le disent, alors...).
Depuis, c'est coup de pute sur coup de pute.
Et que je te mets des heures de surveillance d'étude, et que je t'envoie chercher des élèves dans les classes, et que je te refile des exclus pas gérés à la pelle... bref, il nous charge, mais nous, on ne dit rien, on fait, vu qu'on gère (oui bon, ça va, on gère, mais faudrait pas pousser mémé dans les orties).

Rien à redire. A part qu'il est capable de balancer des infos à propos d'une élève à des flics qui appellent au collège, alors qu'il n'a pas le droit, vu qu'il faut que les flics se déplacent pour faire leur enquête... faute professionnelle... en d'autres temps, on aurait appelé ça collaboration.

Sauf cette erreur du vendredi de la sortie.
A la récré de 10h, avec deux surveillants en moins (tu sais, le duo du poste zéro... qui s'est fait porter pâle le jour des vacances...), tous les postes stratégiques étaient pourvus : les 3 cours, les 2 chiottes et le couloir de la vie scolaire. Et lui, le seigneur de la Loose, il se ramène tout énervé dans la cour des 4e-3e que je surveillais à la cool (ben oui, j'suis cool comme pionne, et les élèves me le rendent bien, donc ils sont cool avec moi... pas de bagares, pas de jeux violents ou dangereux, ils sont prévenus) en me disant que je ne suis pas à mon poste, que c'est inadmissible, qu'il ne faut pas prendre le poste d'un autre surveillant, que c'est à la petite jeune pêchue d'être là, tout ça, tout ça. Devant les élèves. Autant je suis bonne joueuse, quand je fais mal mon taf, je le reconnais, autant là, je peux te dire que ça m'a piqué au vif qu'on remette en cause un travail bien fait, devant les élèves qui plus est, avec la fatigue d'un vendredi des vacances. Je suis un peu partie en vrille, en lui répondant, devant les élèves, que tous les postes étaient occupés, et qu'il n'avait rien à me dire étant donné que l'équipe fonctionnait bien, et qu'à un moment, fallait arrêter de jouer au petit chef. Le tout en gueulant dans la cour, en faisant des grands gestes, et en me barrant vers le bureau. Les élèves étaient tout en émoi... que je m'énerve un peu contre eux, ils trouvent ça marrant/touchant/attendrissant (au choix), mais contre le Seigneur de la Loose, ça les a traumatisés (du coup, j'ai du feindre le non-évènement... je ne voudrais pas qu'on m'accuse de monter les élèves contre un autre adulte... j'ai une conscience pro, moi)(quand je te dis que je suis la pionne parfaite...)(j'en fais trop là ?).
J'ai donc fait un rapport de circonstance, que j'ai transmis à la Principale et à mon CPE référent. On ne sait jamais qu'il aille balancer des trucs pas nets avant moi. On verra ce que cela donne à la rentrée.

Et pour nous faire un cadeau, en dehors de cet abus de pouvoir me concernant, il a expressément demandé à la Principale de ne pas nous donner l'après-midi comme aux élèves et profs, libérés à 15h30 le vendredi, car il avait besoin de nous pour faire du classement. Informations prises chez le responsable syndical : il n'a pas le droit de nous faire faire du classement pendant les heures de boulot. Le classement c'est pour les permanences administratives des petites vacances. Donc nous nous sommes regardées dans le blanc des yeux pendant 2h au chaud dans la salle des profs. On a fini les derniers chocolats de Noël (ben oui, ils auraient été abîmés à la rentrée, fallait pas gâcher !), on a surfé sur le net, on a écouté du bon son, on s'est bien affichées comme les martyrs de ce collège devant tous les profs qui se barraient en vacances en disant "rhoo les pauvres... quel connard", bref, on a bien rigolé. Il n'est pas venu nous saouler, juste à 17h25, il est venu la bouche en cœur nous dire qu'il nous libérait. Ah ben tout de même !!

Autant te dire que je suis remontée à bloc de chez bloc, et que s'il veut la guerre, il va l'avoir. J'ai même accepté de siéger dans la Commission Consultative Paritaire des Personnels Précaires de mon académie (oui, tu sais, le truc pour lequel tu es sensé avoir voté le 3 décembre dernier... oui, c'est ça, les prud'hommes), première du genre pour les personnels précaires de l'éducation nationale. La résistance s'organise pour la rentrée, avec l'installation d'un panneau d'affichage syndical dans la vie scolaire, et l'application pleine et entière des missions inscrites sur les contrats des assistants d'éducation pour commencer.
Ça va saigner !

A côté de ça, les gamins sont chiants formidables, surexcités par la connerie fatigue, ils ont fait connerie sur connerie, ont frôlé le black-out mental, ont fait presque pleurer le poste zéro (c'est de leur faute aussi, z'avaient qu'à pas nous demander de ne pas les aider car ça les discréditait soit disant devant les élèves... des barres !)(euh, oui... c'est une expression du coin, "des barres", qui peut se traduire par "ouais, c'est ça, ouais, tu parles...")(faudra me faire penser à vous faire un petit lexique des expressions usuelles des collégiens d'aujourd'hui). Mais à côté de ça, tellement attachants, tellement sympas, toujours un petit mot gentil pour nous souhaiter de bonnes fêtes et de bonnes vacances. Je sais que je passe pour une extra-terrestre, mais je les adore même s'ils m'en font baver parfois, et ils me le rendent bien, humainement parlant.
Non je ne me drogue pas, c'est ça aussi la magie de Noël !!

Allez, bonne bourre bûche !

7 commentaires:

Audrey a dit…

Ah tiens, "des barres" par chez nous c'est un peu comme mort de lol mais sans les smileys. Genre c'est une expression tronquée, "des barres de rire" en fait.

Sinon ouais je comprends ce que tu veux dire avec ces mômes complètement chiants et complètement adorables à la fois. Les miens me manquent depuis que je bosse plus à Saint-Denis pour tout dire.
Bonnes fêtes à toi.
Bises

Anonyme a dit…

Kanou de mon cœur (non, les gens, n'imaginez rien, c'est juste parce que j'aime bien Kanou!)
Quand je lis tes déboires (sans boire) dans cette administration pharaonique, j'ai envie de dire que le gros Allegre, il n'avait pas entièrement tort ... il y a quand même des cons à sortir, (et peut être à remplacer (ou pas)) mais quand on sait que l'avenir de nos (vos) chères têtes blondes (ou pas) passe entre les mains de ces incompétents notoires (c'est pas moi qui le dis!), le dégraissage me semble être une sage décision ... Bon, pour parer derechef à la levée de boucliers, je m'explique...
On a une Kanou (hyper compétente, et pourtant, je jure que je ne la branche pas!), quelques dames (ou messieurs, le débat n'est pas là) non moins compétentes, et là dessus grenouillent un certain nombre d'inutiles, qu'il serait peut être bon de considérer comme le gras du mammouth.
On nous pleure dans le giron sur les suppressions de poste dans l'Education Nationale, nous expliquant que nos (vos) enfants seront 95 par classe et devront bosser 75h par semaine... mais ... si les 13 ou 14000 postes supprimés étaient juste ceux tenus par les braves cons que nous décrit admirablement la charmante Kanou (j'en fais trop là?), cela nous priverait certes de ces excellents coups de gueule (mais je lui fais entièrement confiance pour trouver d'autres sujets), mais cela permettrait peut être à notre "Education Nationale" d'arrêter de se tirlipoter le sous-couilles et de se sortir les doigts du fondement afin d'exécuter la mission sacrée qui lui est impartie... non ?

ZeStE a dit…

Cher grand Dan (tu permets?), c'est quand même un peu violent, ce que tu proposes... Je pense que le souci, c'est plutôt que le personnel qui est là pour encadrer les jeunes n'a pas des masses de formation, d'où le problème... et si tout le monde n'encadre pas comme kanou (certainement merveilleusement bien), y'a peut-être des jeunes qui trouvent plus leur compte avec d'autres types de surveillances (non, je ne parle pas des surveillants qui n'en branlent pas une)(ceux là, ils sont juste moins motivés étant donné le salaire minable qu'ils se gagnent).
Je t'embrasse quand même, allez! Bisous à mab et kanou z'aussi.

Kanou a dit…

Audrey --> ralala... la sémantique... j'adore !! Moi j'avais pensé à "des barres d'immeubles" ou "des barres de fer"... ça dépend du contexte, en fait !

Dan --> Mais, mais, tu es bien matinal, mon cher ! Je n'ai qu'une chose à dire : ouiiiiii ! Sortons leur les doigts du fondement !

Zeste --> bien sûr que le salaire n'est pas alléchant... moi-même, je suis obligée de me retenir pour ne pas trop en faire, rapport au salaire de misère.
Tandis que ceux qui ont un salaire de titulaire situé entre 2000 et 3000 euros (selon l'ancienneté) et qui passent leur journée à s'enfiler des bocks de thé au lieu de former les jeunes incompétents qu'ils recrutent, les choses iraient aussi un peu mieux.

Allez, taillons dans le gras du mammouth, ce sont les fêtes !!

ZeStE a dit…

kanou: les mammouths, j'suis pas sûre qu'ils aient pas dépassé la date de péremption... je vais juste prendre les légumes à côté, hein...

Anonyme a dit…

Chere belle Zeste (si je puis me permettre), bien sûr que j'y vais fort, il est souvent bon d'y aller un peu fort de façon à ce que certaines des idées, lancées avec force, arrivent à penetrer les pensées encroutées par des decenies du rassurant ronron que tout va bien.
Si tu fais un rapide calcul, il y a approximativement 1 employé de l'education nationale pour 10 eleves, donc, si il y a des classes de 35 eleves, c'est quand même qu'il y a 2,5 personnes qui chassent des mouches à des fins peu avouables dans les ministeres, les rectorats et j'en passe, me semble-t-il, je veux bien retirer la demi personne pour en faire un personnel non enseignant (Kanou, je ne te traite pas de demi personne, c'est juste arithmetique!).
Mais je t'embrasse cependant (Kanou et MaB aussi)

Anonyme a dit…

Zeste ! tu parles, le mammouth, c'est du surgelé, tu risques rien !