Je devais avoir huit ou neuf ans quand j'ai écrit mon premier poème. Un truc insipide et aussi plat que ma poitrine à cette époque. Bien que ce résultat des plus mièvres ne fut pas des plus encourageants, j'avais pris un certain plaisir en réalisant cet exercice. Je me mis donc à écrire. Au début très occasionnellement, puis presque quotidiennement. J'aimais vraiment cela. Je voyageais du stylo, inventant des personnages, des histoires, des situations improbables. Si bien qu'à quinze ans, j'avais déjà écrit mon premier roman. Le personnage principal était une adolescente qui racontait ses déboires pendant une colonie de vacances où ses parents l'avaient envoyée de force. Ses premiers émois, son trouble lorsqu'elle découvre son attirance pour une jeune femme. Autobiographique ? Presque... A la différence près que c'est moi qui saoulais mes parents pour qu'ils m'envoient en colo. Trois semaines sans eux, mon petit paradis annuel.
Tout en écrivant ce roman, je continuais à pondre des petits poèmes. Mon style s'améliorait un peu, mais nul ne pouvait douter, en les lisant, que ces quelques lignes étaient l'oeuvre d'une enfant de quinze ans. J'étais en seconde. Je me souviens d'en avoir écrit un petit sur une table pendant un cours de maths (je sais, c'est pas bien de dégrader le matériel scolaire...)
Vivre pour oublier
Et oublier que vivre
C'est d'abord oublier
Ce que l'on a pu vivre
Je ne saurais pas vous dire pourquoi je me souviens parfaitement de ces quatre vers. Mais je m'en souviens. J'ai été très surprise lorsqu'une copine de classe me l'avait montré au début de son cahier de textes, en disant "j'ai vu ça sur une table, c'est beau hein ?". Je n'ai pas osé lui dire que c'était de moi. Elle ne l'a jamais su.
Deux ans plus tard, en Terminale donc, j'en étais déjà à mon troisième bouquin. Le second racontait la vie d'un homme, la même, mais déclinée sous la forme de différentes petites nouvelles. Je jouais dans une adaptation d'"Exercice de styles" de Queneau cette année là, je m'étais inspirée de l'idée. Mais plutôt que de raconter plusieurs fois la même histoire en changeant les mots, je racontais la même histoire en changeant les lieux, les circonstances et l'époque. Dans le troisième, j'avais imaginé que le personnage principal, encore une jeune adolescente, avait jeté une bouteille dans la Seine avec son adresse et entretenait par la suite, une correspondance passionnée avec une personne qu'elle ne connaissait pas. Elle finirait par la rencontrer et s'enfuirait avec elle au bout du monde.
Puis, je rentrais à la fac, un quatrième livre dans ma besace. Il racontait l'histoire d'une jeune vedette de cinéma adulée mais profondément torturée. Un personnage qui, tout comme moi, vivait d'excès. Sexe, alcool, poppers et art. Comme je n'avais pas de maison, j'écrivais dans les parcs l'été et dans les bistrots l'hiver. J'avais d'ailleurs fini par sympathiser avec un cafetier qui me proposa de faire quelques extras pour lui.
Ensuite, j'ai commencé à travailler. Deux autres romans avaient rejoint les quatre premiers. J'avais moins de temps libre. Mais, mes trois premières fiches de paie m'avaient permis de trouver un appartement, alors j'écrivais un peu tous les jours, chez moi.
Les années ont passé et la dizaine dépassée.
Ecrire est un doux échappatoire, mon assurance vie depuis toujours. Le seul moyen que j'ai trouvé pour fuir ma propre vie est de créer celle des autres. La modeler, lui donner un souffle et exister à travers elle.
Aujourd'hui, ma vie va bien. J'ai une femme formidable, des amis, un chat, ma santé se maintient, mes projets vont bon train. Pourtant, j'écris toujours, mais je ne suis plus motivée par les mêmes raisons. Je me fais juste plaisir. Je varie les genres : poèmes, romans, contes, nouvelles et j'ai même l'idée, quand mon roman en cours sera terminé, de m'attaquer à un "petit manuel à l'intention de la jeune lesbienne" que j'imagine déjà très drôle, un peu décalé, mais truffé de réalités.
De tous ces cahiers d'écolier que j'ai rempli, il ne m'en reste que deux. J'en ai aussi un troisième, l'un des plus récents, qui a été directement tapé sur ordinateur. Tous les autres ont été offerts ou jetés. Il a fallut que je me sente bien dans ma peau pour commencer à conserver la vie des autres.
Ma femme est le trésor de mon existence. Elle m'a réconciliée avec moi-même. Si bien, qu'aujourd'hui j'accepte que d'autres lisent ce que j'ai écrit même si je ne les connais pas. Si bien, que je me sens finalement presque heureuse de me dévoiler. Si bien, que désormais la vie des autres est bien celle des autres et que je n'ai plus besoin de me l'approprier pour apprécier la mienne.
Et vous, qui me lisez ici, et que je lis, pour certains, pourquoi vous écrivez ?
Tout en écrivant ce roman, je continuais à pondre des petits poèmes. Mon style s'améliorait un peu, mais nul ne pouvait douter, en les lisant, que ces quelques lignes étaient l'oeuvre d'une enfant de quinze ans. J'étais en seconde. Je me souviens d'en avoir écrit un petit sur une table pendant un cours de maths (je sais, c'est pas bien de dégrader le matériel scolaire...)
Vivre pour oublier
Et oublier que vivre
C'est d'abord oublier
Ce que l'on a pu vivre
Je ne saurais pas vous dire pourquoi je me souviens parfaitement de ces quatre vers. Mais je m'en souviens. J'ai été très surprise lorsqu'une copine de classe me l'avait montré au début de son cahier de textes, en disant "j'ai vu ça sur une table, c'est beau hein ?". Je n'ai pas osé lui dire que c'était de moi. Elle ne l'a jamais su.
Deux ans plus tard, en Terminale donc, j'en étais déjà à mon troisième bouquin. Le second racontait la vie d'un homme, la même, mais déclinée sous la forme de différentes petites nouvelles. Je jouais dans une adaptation d'"Exercice de styles" de Queneau cette année là, je m'étais inspirée de l'idée. Mais plutôt que de raconter plusieurs fois la même histoire en changeant les mots, je racontais la même histoire en changeant les lieux, les circonstances et l'époque. Dans le troisième, j'avais imaginé que le personnage principal, encore une jeune adolescente, avait jeté une bouteille dans la Seine avec son adresse et entretenait par la suite, une correspondance passionnée avec une personne qu'elle ne connaissait pas. Elle finirait par la rencontrer et s'enfuirait avec elle au bout du monde.
Puis, je rentrais à la fac, un quatrième livre dans ma besace. Il racontait l'histoire d'une jeune vedette de cinéma adulée mais profondément torturée. Un personnage qui, tout comme moi, vivait d'excès. Sexe, alcool, poppers et art. Comme je n'avais pas de maison, j'écrivais dans les parcs l'été et dans les bistrots l'hiver. J'avais d'ailleurs fini par sympathiser avec un cafetier qui me proposa de faire quelques extras pour lui.
Ensuite, j'ai commencé à travailler. Deux autres romans avaient rejoint les quatre premiers. J'avais moins de temps libre. Mais, mes trois premières fiches de paie m'avaient permis de trouver un appartement, alors j'écrivais un peu tous les jours, chez moi.
Les années ont passé et la dizaine dépassée.
Ecrire est un doux échappatoire, mon assurance vie depuis toujours. Le seul moyen que j'ai trouvé pour fuir ma propre vie est de créer celle des autres. La modeler, lui donner un souffle et exister à travers elle.
Aujourd'hui, ma vie va bien. J'ai une femme formidable, des amis, un chat, ma santé se maintient, mes projets vont bon train. Pourtant, j'écris toujours, mais je ne suis plus motivée par les mêmes raisons. Je me fais juste plaisir. Je varie les genres : poèmes, romans, contes, nouvelles et j'ai même l'idée, quand mon roman en cours sera terminé, de m'attaquer à un "petit manuel à l'intention de la jeune lesbienne" que j'imagine déjà très drôle, un peu décalé, mais truffé de réalités.
De tous ces cahiers d'écolier que j'ai rempli, il ne m'en reste que deux. J'en ai aussi un troisième, l'un des plus récents, qui a été directement tapé sur ordinateur. Tous les autres ont été offerts ou jetés. Il a fallut que je me sente bien dans ma peau pour commencer à conserver la vie des autres.
Ma femme est le trésor de mon existence. Elle m'a réconciliée avec moi-même. Si bien, qu'aujourd'hui j'accepte que d'autres lisent ce que j'ai écrit même si je ne les connais pas. Si bien, que je me sens finalement presque heureuse de me dévoiler. Si bien, que désormais la vie des autres est bien celle des autres et que je n'ai plus besoin de me l'approprier pour apprécier la mienne.
Et vous, qui me lisez ici, et que je lis, pour certains, pourquoi vous écrivez ?
13 commentaires:
C'est un peu l'inverse, en fait. Enfant solitaire, j'ai commencé à écrire pour le plaisir, pour me créer mes propres univers d'évasion. Ado, j'ai continué quand j'ai compris que ça plaisait aux filles. Et puis il y a eu internet. La diffusion de mes âneries. Le pire, c'est le petit succès que ça a rencontré. J'ai aimé ça. Alors j'ai écrit pour ce sentiment de reconnaissance. Pour tordre le cou à l'image de mon père qui déchirait mes mauvaises rédactions quand j'étais au collège. De mauvaises raisons, je pense... Aujourd'hui je dessine plus que je n'écris. A nouveau pour mon plaisir. ^_^
(Pardon, mais il y avait une question, et j'aime bien répondre aux questions...)
Je tâcherais désormais de poser plus souvent des questions, car ce fut un plaisir de te lire.
Bon, j'aurais bien aimé un petit dessin aussi, mais on ne peut pas tout avoir, hein ?! ;-)
Mon frangin, ici? Quel bonheur!
(mon frangin écrit moins qu'avant, mais il écrit très bien, ne pas se fier à la seule qualité des dessins).
Je réponds?
Ah ouais, je réponds:
J'écris depuis mes sept ans.
J'écris parce que ça m'est aussi naturel que de respirer.
J'écris pour le plaisir.
J'écris parfois pour faire chier le monde et faire parler les cons.
J'écris par amour.
J'écris parce que j'ai faim.
J'écris parce que c'est un défouloir bien plus constructif que de mettre son pied au cul des gens, même quand ça démange (et parfois, bon Dieu, qu'est-ce que ça démange!).
Tu pourras raconter une nouvelle histoire à Poupon? Je crois qu'elle t'aime.
Ben je lui ai promis la suite des trois petites sorcières à Poupon. Je tiens toujours mes promesses, tu peux lui dire. Je fonds devant son petit regard qui réclame une histoire. Je crois que j'ai compris pourquoi tu ne pouvais rien lui refuser... :-)
Sept ans ! ah ouais quand même, à cet âge là, j'en étais encore à jouer aux billes et à lire la bibliothèque rose... C'est peut-être pour ça que je suis un peu crétine parfois, je croyais que c'était le sel moi :-D
C'est ça, c'est ça...On lui dira...
"Un peu crétine", bon sang mais bien sûr! Et ça explique ta façon de captiver ton auditoire: ce regard bovin, ces yeux aussi vides que ceux d'une carpe sur l'étal de Raymonde la poissonnière, ce vocabulaire tout juste d'un niveau de CE1...J'ai tout compris.
Ouais, c'est ça, bon résumé :-)
A quand le petit manuel de la jeune lesbienne ? si tu veux je prends d'ores et déjà des parts dans cette aventure, je te sponsorise, sois en sure. Pourquoi écrit-on... pour ma part voilà la raison : j'ai une passion pour la photo parce qu'elle permet de prolonger l'instant. Pas forcément un instant réel : ce peut être un instant imaginaire créé par l'image, à partir d'un élément réel. L'écrit c'est un peu pareil avec des sensations. J'écris pour prolonger l'instant d'une sensation. Eventuellement créer autre chose avec une sensation de départ. Et le proposer aux autres. Si je fais rire, j'ai l'impression de partager la sensation avec l'autre. Vala. Je ne sais pas si c'est clair mais j'ai essayé! Bulledimage
On écrit à 4 mains, pour partager notre aventure, mais aussi pour poser des mots sur des situations qu'on ne maîtrise pas toujours, qu'on n'arrive pas toujours à cerner avec des mots dits. L'écrit permet de réfléchir. On écrit pour l'avenir, pour garder une trace (déformation professionnelle sans doute). On écrit pour partager sans doute aussi. Et parce qu'en écrivant, on lit les autres.
Bulle d'image : Donc le petit manuel, si je comprends bien, je le ponds et tu le publies à compte d'auteur ? :-) merci bulledemécène tu es trop chou :-D
A part ça, toujours un plaisir de te lire.
Cactus : c'est marrant, nos approches se ressemblent, en matière de blog, pourtant le contenu diffère... oui, tu as raison, on lit les autres parce que ça nous enrichit.
Je ne sais pas pourquoi j'écris... Pour dire. Et parfois pour le plaisir de torturer les mots et les phrases.
Courte réponse, mais j'en profite pour lancer une invitation : si vous avez envie de tâter de l'écriture à multiples mains de récits de S.F., un blog a été créé : http://fantastiquesgouines.free.fr
So, you're welcome !
Avant j'écrivais beaucoup. J'ai même payé une partie de mes études avec des scénarii débiles vendus à des chaînes de télé sans scrupule. J'écrivais parce que grande timide et plutôt mauvaise élève, c'était une façon de me faire valoir. J'avais un succès fou au lycée avec mes histoires que je racontais entre midi et 2, deux fois par semaine dans une salle de classe toujours de plus en plus bondée.
Et puis les études faisant, le métier exerçant, je dirai que toute créativité a été anihilée. Bien consciente qu'il y a une différence entre une belle plume et "des choses à dire", je me défoule dans mes plaidoieries pour les plaisirs d'un juge anonyme. C'est un bon paliatif.
Avec ma soeur, on s'écrivait des histoires... elle à l'illustration et au scénario, moi à la rédaction et aux fautes d'orthographe... Henri le dauphin... un petit loup à la maison... des trucs gnangnan d'écolières.
Et puis avec l'adolescence, j'ai couché mon mal être sur le papier... des poèmes, surtout des sonnets façon Du Bellay et Ronsard...
Aujourd'hui, j'écris parce que ça me détend, ça m'évite de gueuler tout le temps... et surtout, j'aime bien être lue !
Mat. Webmiss : je ne suis pas très à l'aise avec la SF. Je ne pense pas non plus que je me lancerai dans un autre projet d'écriture. Les miens me prennent déjà beaucoup de temps. Mais j'essayerai de trouver une minute pour lire.
H : toi, c'est vraiment dommage que tu ne fasses pas plus profiter de ton talent, mais je ne t'en veux pas parce que t'es ma H quoi ! Mauvaise élève ????
Je n'ose imaginer avec quels types de scenarii tu as gagné ta croûte...
Kanou : tiens, je ne savais pas que tu avais réalisé des projets BD avec ta soeur. Prendrais-je donc le relai ?
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