Samedi dernier, je suis sortie en début de soirée faire quelques courses (parce que je préfère quelques courses régulières à un gros plein orgiaque). J'ai bien senti que le sol se dérobait facilement sous mes pieds.
J'ai bien vu la démarche élégante du canard qui avait soudainement contaminé ma rue. J'ai bien vu le goudron parsemé de milliers de petites étoiles de cristal qui brillaient dans le soir tombant.
Mais n'écoutant que mon courage, j'arpentais le trottoir avec précaution. J'ai pensé que marcher sur la neige serait moins dangereux, puisque c'était tout blanc, ce serait forcément poudreux. Bon, au pire mes pieds seront mouillés...
Mais n'écoutant que mon courage, j'arpentais le trottoir avec précaution. J'ai pensé que marcher sur la neige serait moins dangereux, puisque c'était tout blanc, ce serait forcément poudreux. Bon, au pire mes pieds seront mouillés...
Et v'lan la jambe gauche est partie la première, rejointe rapidement par la droite pour une sublime figure de ciseaux (si tu n'y connais rien en foot, imagine une paire de ciseaux qui coupe), la cheville gauche a fini violemment sa course sur le bord du trottoir, pendant que je me retrouvais le derrière sur la glace et que ma tête s'encastrait dans le muret qui se trouvait derrière moi. Et là...
J'entends "crac"... "quoi crac ? me dis-je !". Je vois que mon pied est tourné vers la gauche et qu'il refuse de reprendre sa position initiale. Et meeeeeerdeuuuuuuhhhhh !!!
Un couple de jeunôts, impressionnées par la beauté de la chute ontcouru patiné vers moi.
Le jeune homme - Ca va m'dame ?
Moi - Pas trop là... vous m'aidez à me relever s'il vous plaît ?
Ce qu'ils font. J'ai à peine décollé du trottoir que je m'y recolle ! Impossible de tenir sur ce pied. La jeune fille, sous les ordres de son copain (courageux le gars) soulevait le bas de mon jean pour évaluer la blessure pendant que son Jules appelait les secours.
La jeune fille - Beuuuuuh...
Le jeune homme - Ah bon ?
La jeune fille - Ben, je sais pas, viens voir !
Le jeune homme - Ouuuuuuuuuuuch
Moi - C'est cassé ?
Le jeune homme et la jeune fille, d'une seule voix - Vous inquiétez pas m'dame, on appelle les pompiers !
C'est à cet instant précis que mon cerveau a brutalement réalisé la situation. Et si c'était cassé ? Mais, on devait partir à Nantes pour Noël... Et nos potes, elles viennent le 31 et je dois m'occuper de la cuisine. Et puis, je repars en Egypte au mois de mars. Ma femme est enceinte, il faut que je prenne soin d'elle. Le frère de Kanou vient diner demain soir.... Bref, la cocotte minute fonctionne bien. Je me décide à appeler Kanou pour l'alerter. Heureusement que je pars toujours faire des courses avec son portable...
La suite de l'histoire vous la connaissez, une plaque, sept vis, 4 jours à manger dégueu, à être piquée de partout, à être réveillée à grands coups de néons blancs. Dont 2 jours d'humiliation totale où j'ai du faire mes besoins au lit dans un bassin et supporter la toilette rugueuse d'une aide soignante slave qui parlait comme les voix qui doublent les personnages russes en français avec l'accent caricaturé. En 38 ans, c'était la première fois que je me faisais laver les fesses par quelqu'un d'autre que ma mère !
J'ai quand même eu le droit à quelques visites : trois potes et ma femme, tous les soirs. Elle m'apportait un tee-shirt propre, des magazines, des palmitos. Et comme j'ai raté la première écho, elle m'a même apporté les quatre premières photos de ce qui n'est pour l'instant qu'un têtard de 8mm avec un petit coeur qui bat sourdement.
A l'hôpital, ce qui est vraiment super, c'est les voisines de chambre... Et là, je peux bien vous le dire, j'ai été gâtée !
Monique (appelons la Monique, si vous le voulez bien) , de la même ville que nous, mais du côté des "quartiers", de la "téci". La bonne quarantaine, habite avec maman et frérot dans l'appart' que la famille occupe depuis les années 70. Au 8ème étage, enfin, tu la demandes en bas, on te dira. Elle connait tout le monde etlycée de Versailles vice et versa. Une femme simple qui fait un boulot simple, issue d'une famille d'ouvriers et qui ne veut pas quitter son coin.
Il y a peu, cette cité a été détruite en partie, pour être reconstruite. La rénovation court sur de nombreuses années. Beaucoup de familles ont été provisoirement ou définitivement relogées un peu partout dans la ville. Les provisoires sont ceux qui reviendront à la cité, parce qu'ils vont reconstruire moins de logements qu'ils n'en ont détruits (pour que ça fasse moins glauque, il parait). Et bien Monique, elle participe à toutes les réunions, elle est à fond dans le projet de quartier. D'abord, parce qu'elle veut être du groupe des provisoires, mais aussi parce qu'elle ne veut pas qu'ils profitent de la reconstruction pour mener une politique d'expulsions sommaires des payeurs en difficulté. Et puis, elle y tient au village de son enfance, elle le défend !
Bon, quelques fois, en écoutant Monique, j'ai eu l'impression d'être au comptoir d'un Bar PMU. Ca m'a rappelé l'époque où je jouais au flipper en buvant des bières avec les copains. Ces centaines de lieux communs, tantôt salés au populisme, tantôt poivrés à la démagogie... Cet élan révolutionnaire qui autorise toutes les critiques, mêmes les plus improbables ou les plus minables, à l'encontre du gouvernement en place. Mais, quelque part, ça faisait partie de son charme !
J'ai une petite pensée pour elle ce soir. Elle devait se faire opérer hier. Elle aussi, d'une double fracture.
Elle a passé Noël toute seule à l'hôpital alors que moi, je me faisais chouchouter par ma petite femme, qui en Reine des travaux manuels, m'avait construit un fauteuil roulant de fortune avec une vieille chaise de bureau, s'était chargée de rehausser le pied du matelas conjugal de mon côté du lit (oui, j'ai un côté, pas vous ?), m'avait aménagé un coin PC au moyen de nombreux coussins, m'avait installé le clavier sans fil pour que je ne me casse pas le dos en tapant et m'avait préparé un délicieux repas de réveillon...
J'ai de la chance. Je sais. Mais il faut bien que j'en ai un peu quand même ! Bon, en l'occurrence, j'ai beaucoup de chance, de l'avoir à mes côtés.
Et vous chers lecteurs ! Vous avez déjà eu le droit à un petit séjour à l'hôpital ? J'espère que vous avez eu un peu de visites et une Monique, le temps passe plus vite.
Un couple de jeunôts, impressionnées par la beauté de la chute ont
Le jeune homme - Ca va m'dame ?
Moi - Pas trop là... vous m'aidez à me relever s'il vous plaît ?
Ce qu'ils font. J'ai à peine décollé du trottoir que je m'y recolle ! Impossible de tenir sur ce pied. La jeune fille, sous les ordres de son copain (courageux le gars) soulevait le bas de mon jean pour évaluer la blessure pendant que son Jules appelait les secours.
La jeune fille - Beuuuuuh...
Le jeune homme - Ah bon ?
La jeune fille - Ben, je sais pas, viens voir !
Le jeune homme - Ouuuuuuuuuuuch
Moi - C'est cassé ?
Le jeune homme et la jeune fille, d'une seule voix - Vous inquiétez pas m'dame, on appelle les pompiers !
C'est à cet instant précis que mon cerveau a brutalement réalisé la situation. Et si c'était cassé ? Mais, on devait partir à Nantes pour Noël... Et nos potes, elles viennent le 31 et je dois m'occuper de la cuisine. Et puis, je repars en Egypte au mois de mars. Ma femme est enceinte, il faut que je prenne soin d'elle. Le frère de Kanou vient diner demain soir.... Bref, la cocotte minute fonctionne bien. Je me décide à appeler Kanou pour l'alerter. Heureusement que je pars toujours faire des courses avec son portable...
La suite de l'histoire vous la connaissez, une plaque, sept vis, 4 jours à manger dégueu, à être piquée de partout, à être réveillée à grands coups de néons blancs. Dont 2 jours d'humiliation totale où j'ai du faire mes besoins au lit dans un bassin et supporter la toilette rugueuse d'une aide soignante slave qui parlait comme les voix qui doublent les personnages russes en français avec l'accent caricaturé. En 38 ans, c'était la première fois que je me faisais laver les fesses par quelqu'un d'autre que ma mère !
J'ai quand même eu le droit à quelques visites : trois potes et ma femme, tous les soirs. Elle m'apportait un tee-shirt propre, des magazines, des palmitos. Et comme j'ai raté la première écho, elle m'a même apporté les quatre premières photos de ce qui n'est pour l'instant qu'un têtard de 8mm avec un petit coeur qui bat sourdement.
A l'hôpital, ce qui est vraiment super, c'est les voisines de chambre... Et là, je peux bien vous le dire, j'ai été gâtée !
Monique (appelons la Monique, si vous le voulez bien) , de la même ville que nous, mais du côté des "quartiers", de la "téci". La bonne quarantaine, habite avec maman et frérot dans l'appart' que la famille occupe depuis les années 70. Au 8ème étage, enfin, tu la demandes en bas, on te dira. Elle connait tout le monde et
Il y a peu, cette cité a été détruite en partie, pour être reconstruite. La rénovation court sur de nombreuses années. Beaucoup de familles ont été provisoirement ou définitivement relogées un peu partout dans la ville. Les provisoires sont ceux qui reviendront à la cité, parce qu'ils vont reconstruire moins de logements qu'ils n'en ont détruits (pour que ça fasse moins glauque, il parait). Et bien Monique, elle participe à toutes les réunions, elle est à fond dans le projet de quartier. D'abord, parce qu'elle veut être du groupe des provisoires, mais aussi parce qu'elle ne veut pas qu'ils profitent de la reconstruction pour mener une politique d'expulsions sommaires des payeurs en difficulté. Et puis, elle y tient au village de son enfance, elle le défend !
Bon, quelques fois, en écoutant Monique, j'ai eu l'impression d'être au comptoir d'un Bar PMU. Ca m'a rappelé l'époque où je jouais au flipper en buvant des bières avec les copains. Ces centaines de lieux communs, tantôt salés au populisme, tantôt poivrés à la démagogie... Cet élan révolutionnaire qui autorise toutes les critiques, mêmes les plus improbables ou les plus minables, à l'encontre du gouvernement en place. Mais, quelque part, ça faisait partie de son charme !
J'ai une petite pensée pour elle ce soir. Elle devait se faire opérer hier. Elle aussi, d'une double fracture.
Elle a passé Noël toute seule à l'hôpital alors que moi, je me faisais chouchouter par ma petite femme, qui en Reine des travaux manuels, m'avait construit un fauteuil roulant de fortune avec une vieille chaise de bureau, s'était chargée de rehausser le pied du matelas conjugal de mon côté du lit (oui, j'ai un côté, pas vous ?), m'avait aménagé un coin PC au moyen de nombreux coussins, m'avait installé le clavier sans fil pour que je ne me casse pas le dos en tapant et m'avait préparé un délicieux repas de réveillon...
J'ai de la chance. Je sais. Mais il faut bien que j'en ai un peu quand même ! Bon, en l'occurrence, j'ai beaucoup de chance, de l'avoir à mes côtés.
Et vous chers lecteurs ! Vous avez déjà eu le droit à un petit séjour à l'hôpital ? J'espère que vous avez eu un peu de visites et une Monique, le temps passe plus vite.