vendredi 18 avril 2008

MaB des sources

La première fois que je suis tombée amoureuse, c'était de Mademoiselle Taris. c'était ma maitresse, en Cm1. Elle était belle Mademoiselle Taris, elle avait de grands cheveux bruns bouclés avec tout plein de reflets, des petits yeux noirs tout brillant et un sourire à faire fondre la banquise. J'aimais bien quand j'étais punie parce que je me retrouvais assise derrière elle, coincée entre le bureau et le tableau. Quand il commençait à faire chaud, elle relevait ses beaux cheveux en queue de cheval, je voyais sa nuque, alors j'étais punie plus souvent.
Mademoiselle Taris, elle me faisait l'étude depuis trois ans (et oui, mes parents travaillaient tard, alors je faisais l'étude, la garderie et le trottoir avec une gentille maitresse, que je ne connaissais souvent pas, qui regardait sa montre toutes les deux secondes en demandant "mais elle est où ta mère ?")

Ah elle était belle. Elle était aussi très douée, parce que cette année là, j'ai brillé. Même en maths, elle était vraiment très douée.
Je lui écrivais des poèmes, des poèmes de quand tu as 9 ans, donc mauvais, mais avec tout mon coeur de petite fille.
Un jour, ma mère a rangé ma chambre. Mon pire souvenir. Elle est tombée sur ces poèmes. La misère. "Mais qu'est ce que j'ai fait ? mais tu es folle ?".
Oui, ou non. Enfin, j'imagine, j'étais très probablement un peu folle, mais c'était tellement doux.

L'année d'après, Mademoiselle Taris est partie dans une autre école. J'étais un peu triste. A dix ans, on guérit vite. Le rêve avait fui, il fallait se faire une place.
Exit Mademoiselle Taris et avec elle ma sagesse de fillette. La première fois que j'ai rencontré la directrice de l'école, c'est parce qu'avec des potes, on s'était couché sur le bitume pour regarder sous les jupes des filles qui sautaient à l'élastique.
Inutile de vous préciser que je n'ai jamais su sauter au dessus de ce putain d'élastique, moi qui ne voyais la vraie vie que par le dessous.

Mais vous devez vous demander pourquoi je vous raconte tout cela, pourquoi précisément aujourd'hui, je pense à Mademoiselle Taris.

Parce que cet après-midi, j'ai rencontré une jeune femme qui vend son appartement. Elle a eu pas mal d'emmerdes, entre les agences qui disent oui-oui et qui bossent non-non, les particuliers qui font du tourisme chez elle, alors qu'elle a même pas mis une caisse à l'entrée et encore trop de fausses notes sur le parcours pour qu'elle soit zen en me recevant. Elle lui ressemblait. C'était Mademoiselle Taris. En plus, elle était instit', enfin c'est comme ça qu'elle l'a dit, je préférais Maitresse, je confondais même parfois avec maman, comme beaucoup.

Alors, j'ai pensé que peut-être, dans sa classe, il y avait une gamine qui était amoureuse comme j'avais pu l'être et, tiens, juste pour cette gamine, j'aurais pu la remercier d'exister, la Mademoiselle Taris d'une autre...

3 commentaires:

ZeStE a dit…

roooh... je crois qu'on a tous eu notre "mademoiselle taris" à nous... d'ailleurs, ça m'a donné l'occasion aussi d'en faire un post... merci!!
Par contre, tu as été "touchée" très jeune, dis donc!!! et moi qui pensais que mes élèves étaient encore trop jeunes pour m'aimer... ça me fait revenir sur certains comportements ambigus que certaines ont pu avoir avec moi!! outch, j'espère que je ne les ai pas trop blessées, ces petites lesbiennes en devenir! ;-)

MaB a dit…

Oui, je crois qu'on peut dire ça, j'ai été "touchée" très jeune. 9 ans et c'était la première fois. Mais je n'ai consommé que plus tard, faut pas pousser. Je la raconterai peut être un jour, cette première, parce qu'elle vaut le jus !
Et ne me blesses pas toutes les petites lesbiennes en devenir, après, c'est long à guérir et surtout à bien vivre ;-)

Anonyme a dit…

A MaB (la version originale), ainsi qu'à Zeste (la version "cover"): ça ne va pas faire original, ce com', mais je trouve ces histoires tellement émouvantes, sincèrement..

-MyLzz59-

Rem: les chagrins de gosses, on en guérit vite, certes, mais ils laissent à jamais, parfois heureusement de façon insignifiante, une marque indélébile au fond du coeur..