dimanche 13 avril 2008

Vis ma vie

Bon nombre de nos ami(e)s/potes et je l'ai remarqué, de ceux et celles qui viennent ici utilisent leurs innombrables talents professionnels dans la fonction publique. Et bien moi, non, je suis commerciale. Ce n'est pas un choix, c'est simplement la seule voie qui s'est ouverte à moi (enfin, y a bien d'autres trucs qui se sont ouverts devant moi, mais ce n'est pas le propos du jour).

J'étais encore toute naïve lorsque j'en ai fini avec mes études universitaires, je pensais que ce malheureux diplôme que j'avais tant peiné à obtenir m'ouvrirait des voies impénétrables.
Je me suis vite rendue compte que la vie n'était pas un long fleuve tranquille. Je n'avais pas de domicile fixe et je collectionnais les aventures comme on collectionne les timbres, mais pour avoir un toit sous lequel m'abriter toutes les nuits. Prostitution, direz-vous, non, survie !

Bref, de galère en galère, de petits boulots en petits boulots, après plusieurs années d'errance et de bohème, j'ai découvert l'immobilier et je suis devenue commerciale.

Dans mon jargon, on appelle ça négociatrice.

Pas besoin d'être top model (ça je maitrise) ni d'avoir un QI surdimensionné (tout va bien !), il suffit juste d'un peu de courage et d'une capacité outrancière à argumenter en se convaincant soi même. La belle vie, hein ? C'est tellement simple que c'en est désolant !

Donc, mon gagne pain consiste à être l'intermédiaire efficace entre le vendeur, qui veut vendre très cher sa superbe maison (enfin, je bosse à Paris, alors c'est plutôt des appartements) qui, à peu de chose près, a la même superficie qu'une tente 2 seconds de chez Decathlon et un acquéreur (que l'on peut aussi appeler acheteur) qui a bien compris que c'était une 2 seconds et qui veut la payer au même prix que dans le magasin, mais construite en dur. Et oui, définitivement, la toile coûte moins cher que la brique !

Mais, je me dois vous expliquer en quelques mots les principales caractéristiques de mon métier, que, à défaut de savoir faire autre chose, j'exerce avec talent !

Etre commerciale c'est quoi ?

D'abord, ça veut dire ne pas avoir de salaire fixe (oui, vous avez bien lu) et donc accepter les périodes de vache maigre où le compteur bloque à zéro (le con) sans montrer l'ombre d'une contrariété quand un gentil client se sert de moi pour étudier le marché et me fait donc perdre un temps précieux, puisque non rémunéré, plutôt que de contacter les particuliers qui vendent en direct, qui eux, n'ont rien à perdre, puisqu'ils ont tout à y gagner. Ben oui, c'est bien connu, mon salaire est englouti dans leur prix !

Ensuite, ça veut dire, pas de RTT, le dimanche en repos et si l'activité le permet, un autre jour dans la semaine. Je suis amoureuse d'une future super instit' et j'ai choisi de me poser le mercredi pour être auprès de ma wonder woman à moi.

Bien sur, les amplitudes horaires sont à l'image de la douce ingratitude, à savoir dithyrambiques ! En clair, je travaille quand les autres ne le font pas, tôt le matin et tard le soir. Et entre les deux, je prospecte, je fais le trottoir, je brosse les gardiennes et j'implore, bref, j'essaye de trouver la matière. De quoi nourrir mon fichier, de beaux appartements au prix du marché (si si ça existe, je me donne du mal).

Ca veut dire aussi, garder le sourire quand une vente tombe à l'eau et que dans trois mois on va bouffer des pâtes et des patates, parce que le pov' gars (ou la pov' fille) qui se pointe à ce moment là me sauvera peut-être le coup. Entre nous, j'appelle ça "l'appel du boeuf" ! Ah oui, j'allais oublier, je ne suis payée que trois mois après mes efforts, le temps de serrer les fesses pour que les banques aident à financer le projet et que le notaire ne trouve pas un grain de sable qui vienne enrayer la machine.

Stressant ? Pas le moins du monde.

Je ne me lasse pas de voir une petite lumière qui brille dans les yeux de mes clients lorsque, enfin, après plusieurs visites, j'ai compris. Il est là, devant leurs yeux ébahis, le bel appartement dont ils ont toujours rêvé et où ils vont pouvoir, enfin, vivre heureux. Pas plus que je ne me lasse de réconforter cette jeune fille à qui sa banque vient d'apprendre qu'elle ne pourra peut-être jamais caresser l'espoir d'avoir mieux que 15m² et avec qui j'embellis son projet pour finalement lui permettre de vivre à quelques mètres de là dans 25m². C'est toujours dix de pris.
J'aime flâner dans les rues, imaginer la vie des autres derrière leur fenêtre.
Etre reçue par cette femme aux flans alourdis par une quatrième grossesse qui me confie la vente de son appartement, la larme à l'oeil, en m'avouant qu'elle est bien triste mais que l'espace est devenu trop exigu et que, bien qu'elle en soit fort étonnée, la famille va partir s'installer en banlieue, loin, et profiter d'un beau jardin où les enfants pourront jouer.

J'étais la terreur de mes profs de maths, je suis devenue la pro du calepin. Tous les calculs y sont notés, de la quote part de charges, aux frais de notaire. Je manie le chiffre avec aisance comme si cela m'était naturel, s'ils savaient combien j'en souffre. Je n'ai jamais étudié le droit et pourtant, je suis incollable sur la loi de juillet 89, janvier 2002, mars 2005 etc...

Mon métier "alimentaire" a cela de gratifiant qu'il est riche et haut en couleurs.

Par exemple, il y a peu, j'ai vendu un appartement à une famille. Lors de la re-visite, nécessaire avant toute signature et comme je les comprends, j'étais toute émue de voir les gamins choisir "leur" chambre.

Enfin, être commerciale, c'est aimer l'emmerdement maximum, mais on s'y fait bien !

Parfois, ce serait même extra, s'il n'y avait pas les clients, mais ça j'en parlerai une autre fois.

Voilà.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Mab,
nous avons acheté nous aussi une bicoque dans une agence.... une jeune femme commerciale nous a secondé tout le temps de la vente (de fevr à juillet quand meme pisque vente validé par l'obtention d'un permis de construire on modifiait la destination du bien, d'une grange elle devenait "maison")
cette jeune femme a du batailler dur pour que la vente se fasse, le vendeur saisi par la banque a tente de faire foirer la vente pour "baiser" la banque.....grace à elle nous avons la maison de nos reves.... je sais combien ton boulot est difficile et certainement enrichissant humainement parlant.....cette jeune femme je l'ai recroisée un jour chez ma coiffeuse..... elle se faisait coiffer pour son mariage.... j'etais tres emue de la revoir.....elle sait pas combien elle a participé par ses competences professionnelles à notre bonheur......
on vous embrasse les filles !

ZeStE a dit…

Je pense que c'est plutôt cool de ne plus avoir à coucher pour être abritée... enfin, je ne sais pas si kanou en est heureuse, ha ha...

En fait, tu es comme ceux qui passent à la télé dans "recherche appartement ou maison"?(j'adooooore les émissions à la con...). Ben chapeau. Parce que ça doit pas être facile tous les jours... si par exemple tu avais affaire à 2 filles comme L et moi, wahou le boulot. Vu qu'on n'est pas du tout d'accord toutes les deux sur ce qu'on voudrait... et que du coup on voudrait deux fois plus de choses (ex: elle veut un jardin, moi un balcon, donc il faut un balcon ET un jardin...), mais avec pas trop de tune... le hic, c'est qu'on voudrait à la campagne ET à la ville...
Eh non, donc, nous, on n'a pas (encore) acheté: c'est dire comme ce monde me semble loin...
Sinon c'est abusé que tu n'aies rien du tout certains mois... Je pourrais pas vivre avec ce stress...

MaB a dit…

rodeo : et oui, c'est un travail qui demande de la patience ;-)

zeste : ouais, ça stresse un peu parfois... et si un jour, vous décidez d'acheter, je suis votre Stéphane Plazza.. mouhahaha.

Ah, au fait j'ai corrigé mon erreur et j'ai 20/20 maintenant madame ! :-)

Anonyme a dit…

Ben nous, le jour où on déménage, putain on t'embauche!!!! Quelqu'un qui bosse dans l'immobilier et qui a du coeur, c'est aussi facile à trouver qu'un ministre UMP qui a la fibre sociale, nom de Dieu!

ZeStE a dit…

pousse toi l'Emmerdeuse, on était prem's sur le coup... quoique ça va, on n'cherche pas dans la même région...

MaB a dit…

arf, vous battez pas ! MaB la commerciale a, entre autres, le don d'ubiquité !

Ma très chère emmerdeuse, il n'y a aucun ministre qui ait la fibre sociale, la ministr'attitude n'autorise pas les états d'âme. En revanche, il existe de nombreux commerciaux pourvus d'un coeur et bien souvent, ils en ont tant qu'il finit par lâcher !

Tiens, un jour je vous ferai p'tet le catalogue des agents immobiliers , y a matière :-)

Anonyme a dit…

C'est un métier/un milieu qui m'intrigue l'immobilier. Et puis je suis comme zeste, j'aime bien "ces émissions à la con" sur la 6...
Je me doutais bien que ce métier demandait aux pros de se défoncer, mais le coup (et le coût?) de la paye, c'est abusé!!

MaB a dit…

tu l'as dit Bulle et comme je n'aime pas arnaquer mes clients, je suis moins payée que certains collègues. mais au final, j'y trouve mon compte puisque je fidélise ;-)